Le carnet d'Intima
16 January 2018
Photo de droite: Christian Dior, robe Opéra Bouffe, haute couture automne-hiver 1956, ligne Aimant. Robe du soir en faille de soie d’Abraham. Paris, Dior Héritage. © Photo Les Arts Décoratifs / Nicholas Alan Cope
Au travers d’une riche exposition, le visiteur a été invité à découvrir l’univers de son fondateur et des couturiers de renom qui lui ont succédé : Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, Raf Simons et, tout récemment, Maria Grazia Chiuri. Emotions, histoires vécues, affinités, inspirations, créations et filiations ont relié une sélection de plus de 300 robes de haute couture conçues de 1947 à nos jours. A leurs côtés, et pour la première fois de manière aussi exhaustive, ont aussi été présentées toiles d’atelier et photographies de mode, ainsi que plusieurs centaines de documents (illustrations, croquis, photographies de reportage, lettres et manuscrits, documents publicitaires...), et d’objets de mode (chapeaux, bijoux, sacs, chaussures, flacons de parfums...). Et si Christian Dior fut aussi un homme de l’art et un amoureux des musées, plus de 70 années de création ont également dialogué avec tableaux, meubles et objets d’art, des œuvres qui soulignent et prolongent le regard de Christian Dior en explorant les liens qu’il a su tisser entre la couture et toutes les formes d’art, définissant l’empreinte de la maison. Les deux commissaires, Florence Müller et Olivier Gabet, ont construit leur propos selon un parcours chronologique et thématique réunissant et investissant, pour la première fois réunis ensemble, les espaces dédiés à la mode ainsi que ceux de la nef du musée, soit près de 3.000 m2. Alors, si vous avez manqué cette fabuleuse rétrospective, Intima vous propose de vous immerger, sur ces quelques pages, dans l’univers très caractéristique de l’un des plus grands couturiers de tous les temps et des six directeurs artistiques qui ont perpétué l’image de la maison.
Première photo: Christian Dior, robe Junon, haute couture automne-hiver 1949, ligne Milieu du siècle. Robe du soir en tulle brodé de paillettes par Rébé. Paris, Dior Héritage. © Photo Les Arts Décoratifs / Nicholas Alan Cope
Deuxième photo: Maria Grazia Chiuri pour Christian Dior, Robe Essence d’herbier, haute couture printemps-été 2017. Robe de cocktail frangée, broderie fleurie en raphia et fil incrustée de cristaux Swarovski, d’après une broderie originale de Christian Dior. Paris, Dior Héritage. © Photo Les Arts Décoratifs / Nicholas Alan Cope
Quatrième photo: Maria Grazia Chiuri pour Christian Dior, robe New Junon, collection haute couture printemps-été 2017. © Photo Les Arts Décoratifs, Paris / Nicholas Alan Cope
70 ANS DE CRÉATION
La
précédente rétrospective parisienne consacrée à Christian Dior s’est
tenue en 1987 au musée des Arts décoratifs. Elle était centrée sur les
dix années de création du couturier, de 1947 à 1957.
Pour célébrer
les soixante dix ans de la Maison, cette nouvelle rétrospective montre
comment Christian Dior et les six directeurs artistiques qui lui ont
succédé ont conçu et construit le
rayonnement d’un nom aujourd’hui
synonyme de haute couture en France et dans le monde entier. Avec leur
propre sensibilité, Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré,
John Galliano, Raf Simons, et, aujourd’hui, Maria Grazia Chiuri, ont
ainsi élaboré une grammaire stylistique fidèle à l’élan initial et
contribué à définir l’identité de Christian Dior dans sa relation avec
l’époque. Accompagnant cette évocation de la haute couture, résonnent
aussi les créations de Frédéric Castet pour la haute fourrure, celles de
Serge Lutens, de Tyen et de Peter Philips pour la beauté, ainsi que de
François Demachy pour les parfums.
Photo de droite: Christian Dior, robe Palmyre, collection haute couture automne-hiver 1952, ligne Profilée, robe du soir en satin de Robert Perrier brodée de cristaux Swarovski, de fils métalliques, de pierreries, de perles et de paillettes par Ginesty, Paris, Dior Héritage. © Photo Les Arts Décoratifs, Paris / Nicholas Alan Cope
ENTRE MODE ET ART (DE VIVRE)
Personnage-clé de la mode du XXe siècle depuis sa collection « New Look » du printemps-été 1947, Christian Dior a profondément modifié l’image de la femme, renvoyant au passé la silhouette masculine des années de guerre. Ses robes expriment une féminité moderne, celle de sa femme-fleur, dessinant un corps aux courbes sinueuses et dont le port fait référence à la culture académique du ballet classique. Les épaules sont douces, la poitrine précisée, la taille marquée et les hanches magnifiées par l’envolée des jupes corolles. Christian Dior a, non sans scandale, relancé l’industrie textile en exigeant, après les années de pénurie de l’Occupation, l’emploi de grands métrages d’étoffe. Il a su renouer avec la tradition de la couture, redonnant une place prépondérante aux brodeurs et aux paruriers. Il a inventé une mode internationale réaffirmant le rôle séculaire de Paris comme capitale de la mode.
L’exposition s’ouvre sur un rappel de la vie de Christian Dior, son enfance à Granville, ses « années folles » de découverte de l’avant-garde de l’art et des spectacles parisiens, son apprentissage du dessin de mode et son entrée dans la haute couture. Avant de se diriger vers la mode, Christian Dior a été directeur de galerie de tableaux en association avec ses amis jacques bonjean, puis Pierre Colle, de 1928 à 1934. Cette activité est évoquée à travers des tableaux, sculptures et documents rappelant une programmation éclectique, dans laquelle la génération des artistes déjà célèbres rencontrait les jeunes artistes de la génération de Dior. Parmi ces derniers figuraient Giacometti, Dalí, Calder, Leonor fini, Max Jacob, jean Cocteau ou Christian Bérard. Amateur d’antiquités et d’objets d’art, collectionneur d’Art nouveau et décorateur passionné par le XVIIIe siècle, amoureux des jardins, il a puisé dans toutes ces sources tant pour agrémenter ses résidences privées que pour définir l’esthétique de sa maison de couture et de ses créations. On découvre, en effet, que ses robes sont empreintes de références à la peinture, à la sculpture, mais aussi à tout ce qui compose l’art de vivre : papiers peints, étoffes, porcelaines ou chinoiseries.
Photo de gauche: Henri Cartier-Bresson, le mannequin Alla revêt la robe May dans la cabine lors de la Première, 1953. © Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos.
Photo de droite: Christian Dior dans son appartement du 7, boulevard Jules‑Sandeau à Paris, vers 1950. © Christian Dior
UNE TRAVERSÉE DU TEMPS
Toutes ces thématiques créatives, sur lesquelles ses successeurs sont revenus comme sur des leitmotivs, sont tour à tour dévoilées : l’art et la photographie, la profusion des couleurs et des textures, l’élégance stricte parisienne, la référence au décor néoclassique, les trésors de l’exotisme, la fascination pour le thème floral. Ces thèmes sont mis en scène par Nathalie Crinière, dans des ambiances évoquant successivement la galerie de Monsieur Dior, les ateliers Dior, l’Avenue Montaigne, le Trianon, les voyages, ou encore un jardin merveilleux. Tout au long de l’exposition, tableaux, sculptures et objets d’arts décoratifs éclairent les goûts
et sources d’inspiration du couturier, selon une sensibilité partagée par les directeurs artistiques qui lui ont succédé. La visite se poursuit dans la nef par un parcours chronologique de 1947 à 2017 montrant l’élan fondateur et l’héritage de l’esprit Dior à travers les décennies. La silhouette du tailleur Bar, caractéristique du « New Look », inaugure cette traversée du temps. Cet ensemble en noir et blanc concentre toute la nouveauté de l’esthétique Dior qui frappe le coup d’envoi des trente glorieuses de la mode. Depuis, ce tailleur a hanté l’imaginaire de la mode et de nombreux couturiers et créateurs. Mais la permanence de l’esprit de Christian Dior tient aussi aux différents directeurs artistiques qui ont pris la relève du couturier après sa disparition en 1957. Une succession de six galeries leur est dédiée pour décrypter comment leur propre création s’inscrit dans la poursuite de cette vision de la haute couture. Au choix risqué du tout jeune Saint Laurent succède la réaction rationnelle de la nomination de Marc Bohan. Puis c’est l’arrivée flamboyante de Gianfranco ferré, puis celle à grand fracas du punk de la mode John Galliano, l’affirmation « minimaliste » de Raf Simons et, enfin, le choix d’une femme, Maria Grazia Chiuri, et de sa vision engagée de la féminité.
Photo de gauche: Christian Dior, robe Miss Dior, collection haute couture printemps-été 1949, ligne Trompe-l’oeil, robe du soir courte brodée de fleurs par Barbier, Paris, Dior Héritage © Photo Les Arts Décoratifs, Paris / Nicholas Alan Cope
Photo de droite: Christian Dior, robe Trianon, collection haute couture printemps-été 1952, ligne Sinueuse, robe du soir en organdi de Jean Page, broderie de lamé, paillettes métalliques et perles argent, Palais Galliera, musée de la Mode de la ville de Paris, don Francine Halphen-Clore, 1984. © Photo Les Arts Décoratifs, Paris / Nicholas Alan Cope
L'ÉVOLUTION DE LA SILHOUETTE DIOR
Les savoir-faire et la technique, sans lesquels la haute couture ne saurait exister, sont mis en scène dans l'Atelier où des ouvrières sont à l’ouvrage, entourées de mannequins de couturière, de croquis et de toiles. Une galerie propose un résumé de l’évolution de la ligne et de l’allure Dior depuis 1947, illustrée de robes et d’extraits de films ou de vidéos de défilés.
Le parcours s’achève dans le cadre somptueux de la nef, décorée telle une salle de bal pour une présentation des robes du soir les plus fastueuses, parmi lesquelles brillent de nombreuses créations réunies pour la première fois à Paris. Certaines ont été portées par des clientes célèbres qui ont contribué au rayonnement de la maison Christian Dior, de la princesse Grace de Monaco à Lady Diana, de Charlize Theron à Jennifer Lawrence. Révélation inédite, résultat de recherches menées pour ce projet, parmi ces toilettes de grand bal figure une robe baptisée Soirée brillante qui a défilé du temps de Christian Dior au musée des Arts décoratifs en novembre 1955.
A l’occasion d’une exposition présentant les grands ébénistes français du XVIIIe siècle, Christian Dior comptait au nombre des prêteurs, et l’inauguration prit la tournure d’un événement culturel, mondain et élégant grâce à la présence de ses propres créations.
Ce jour-là, des mannequins de la maison Dior déambulaient en robe du soir, prenant la pose parmi les meubles et objets d’art. une façon d’affirmer, en ce mercredi 30 novembre 1955, la place naturelle qu’occupent les ornements de la féminité au cœur des arts appliqués et le rôle prépondérant joué par Christian Dior dans l’histoire des arts décoratifs.
Pour cet ambitieux projet, la plupart des œuvres présentées sont issues du fonds Dior héritage, le plus souvent jamais vues à Paris, auxquelles s’ajoutent les prêts exceptionnels provenant des collections du musée des Arts décoratifs et de l’union française des Arts du costume, du Palais Galliera, du Costume Institute au Metropolitan Museum of Art de New York, du victoria and Albert Museum de Londres, du De Young Museum de San Francisco, de la fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, du Museum of London, du musée Christian Dior de Granville, ainsi que des œuvres d’art prestigieuses, de tout temps et de toute époque, provenant des collections du musée du Louvre, du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, du Château de Versailles, du Centre Pompidou, du musée des Arts décoratifs et de nombreuses collections particulières.
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