Le carnet d'Intima
05 August 2019
Photo ci-dessus :
Échantillon pour ameublement, motif champ de fleurs Alsace, manufacture
Gros Roman & Cie, 1901, impression à la planche de bois sur velours
Véritable voyage dans le temps, les couleurs et les odeurs, cette exposition vient retracer l’extraordinaire créativité florale du XVIIIe siècle à nos jours, à travers les collections du musée. Le parcours démarre par les modèles utilisés par les dessinateurs pour transposer la nature dans les tissus et inventer de nouveaux motifs floraux, en montrant l’impact des expéditions scientifiques, de l’essor de l’horticulture et de la mode dans les choix des espèces et leur « mise en scène » par l’artisanat et l’industrie. Organisé autour de trois grands thèmes, l’exposition met également à l’honneur un créateur invité, Leonard Paris, qui a su magnifier la fleur dans ses collections.
FLEURS NATURELLES ET D’INVENTION
Aux sources de la création textile
Les fleurs jouent un rôle essentiel dans les processus créatifs de la production des étoffes. Dès l’Antiquité, la flore inspire palmettes et fleurettes, mais il faut attendre le siècle des Lumières pour que l’imitation de la nature gagne des tissus avec une inventivité sans cesse renouvelée. Au XVIIIe siècle, une « fleur » désigne aussi une étoffe nouvelle. Cette terminologie montre que la mode et la fleur sont désormais indissociables de l’industrie textile pour l’ameublement comme pour le vêtement.
Un répertoire de formes et de couleurs infinies
Des livres de botaniques aux recueils de modèles floraux diffusés par la lithographie, les dessinateurs textiles disposent de sources variées pour s’inspirer de la nature. A partir du XVIIIe siècle, l’enseignement du dessin dans les académies et les écoles préconise l’étude d’un modèle vivant dans les jardins et les serres. Dans les manufactures, on utilise les recueils de la botanique et d’ornements fleuris, avant que les fleurs photographiées diffusent des modèles plus vrais que nature.
La botanique et le textile partagent la nécessité du dessin : scientifique dans les livres de botanique, d’invention dans les étoffes. A partir de la fin du XVIIIe siècle, l’engouement pour l’étude de la flore exotique et l’imitation des fleurs inspirent des compositions où les motifs paraissent repris à des planches de botanique.
Fleurs des champs, fleurs sauvages
Les philosophes des Lumières ont célébré un retour dans la nature exempte de l’empreinte de l’homme. A Versailles, la Reine Marie-Antoinette et ses proches ornent leurs chapeaux de marguerites, bleuets, muguets et coquelicots. Mais c’est la Révolution Française qui les met à la mode par opposition aux espèces cultivées, associées à l’aristocratie. Fleurs remises au goût du jour par le mouvement anglais Arts & Crafts qui privilégie la flore des campagnes à celle des jardins en ville.
Photos ci-dessus :
Toile imprimée pour ameublement, roses stylisées France, manufacture inconnue, toile de jute imprimée
Toile imprimée pour ameublement Suisse, éditeur Christian Fischbacher, vers 2004, impression au jet d'encre sur coton
Echantillon d’ameublement, Alsace, Mulhouse, manufacture Thierry Mieg & Cie,1885, impression au rouleau sur coton
La rose, reine des fleurs
Au XVIIIe siècle, de nouvelles espèces de rosiers importées d’Asie, plus odorantes et florifères que les variétés européennes, règnent dans les jardins. Symbole de l’amour, attribut à la fois de Vénus et de la Vierge, la rose se propage dans les soieries. Les manufactures de toiles peintes ont fréquemment recours à ses formes, des pétales aux épines. Des roses dites anglaises du XIXe siècle aux créations contemporaines, elles restent un motif omniprésent dans les étoffes.
La culture de l’hortensia
Introduite en Europe après l’expédition de Boungainville en 1769, elle connaît un développement important sous le Second Empire avec la mode des fleurs en pot. Dans les années 1860, les luxueuses étoffes d’ameublement imprimées à Mulhouse accordent une large place à ces têtes fleuries rondes, en rose ou en bleu.
Photos ci-dessus, :
Toile imprimée pour ameublement, semis de tulipes France, manufacture inconnue, 1889, impression à la planche de bois sur coton
Toile imprimée pour ameublement, branches de cerisier en fleurs Angleterre, manufacture inconnue, 1905, impression au rouleau sur coton
Robe de fillette à l’anglaise, France (?), vers 1780-1790, impression à la plaque de cuivre et à la planche sur coton, doublure en toile de lin
Le lilas apparaît sous forme de branchages fleuris dans les toiles imprimées du XVIIIe siècle, seul ou associé à d’autres fleurs. Cette espèce symbolise le raffinement de l’art des jardins. Souvent représenté au naturel dans les toiles pour ameublement, le lilas se décline en motifs plus petits, naturalistes ou stylisés, pur rendre les robes printanières.
La tulipomanie s’empare de l’Europe au XVIIe siècle. Symbole de l’amour en Asie mineure, la tulipe (comme l’œillet) est fréquemment représentée dans les toiles aux Indes et en Perse. En Europe, les indienneurs l’associent à d’autres fleurs cultivées. Les formes de pétales et de la tige, très graphiques, favorisent l’imagination des créateurs pour des motifs réalistes ou géométriques.
Les fantaisies florales forment une catégorie d’ornements très à la mode au XVIIIe siècle, inspirées par les recueils de botanique étrangère et par les indiennes. Jean Pillement, dessinateur à la fabrique lyonnaise des soieries, édite plusieurs recueils de modèles en fleurs d’invention pour les manufactures textiles.
Photo ci-dessus :
Echantillon de tissu simultané de Sonia Delaunay, France, Paris, 1928, impression au cadre sur taffetas de soie
L’ART DE REPRÉSENTER LES FLEURS
L’explosion florale dans les étoffes s’accompagne d’une créativité sans cesse renouvelée. Pour composer les fleurs, les dessinateurs rivalisent d’imagination : ramages, semis, jetés, couronnes ou bouquets et jouent sur des effets d’échelles. L’essor de la chimie offre une large palette de couleurs, faisant des étoffes de véritables trompe-l’œil pour des compositions sophistiquées. La représentation des fleurs est tributaire des courants artistiques : aux fleurs raffinées du XVIIIe siècle et aux compositions réalistes de la seconde moitié du XIXe siècle succède une stylisation inspirée par les avant-gardes.
Photos ci-dessus :
Echantillon fleuri, Angleterre vers 1790, toile de coton imprimée au rouleau et à la planche
Echantillon pour kimono motif rose et fleurs variées, Japon, Kyoto, Maison Ohara, 1980, impression au pochoir à la main sur soie
Gravure de mode « Robe XVIIIe siècle », Paris, Mulhouse, manufacture Steinbach, Koechlin & Cie, lithographie
Les semis de fleurettes et
ramages fleuris caractérisent les indiennes ordinaires importées
d’Orient, puis leur imitation en Europe. Un mode de composition qui
s’adapte à tous les motifs fleuris pour le vêtement comme pour
l’ameublement, et qui continue d’inspirer les créateurs contemporains.
Les couronnes de fleurs
symbolisent le renouveau de la nature au printemps et la vie éternelle,
selon une tradition antique réactivée à la Renaissance. Cette mise en
scène des fleurs, répandue dans les natures mortes hollandaises, inspire
une mode décorative sous le Second Empire.
Les trophées et corbeilles fleuries
caractérisent les arabesques du XVIIIe siècle, issues des grotesques de
la Renaissance. Une mode décorative remise au goût du jour, depuis la
fin du XIXe siècle, pour les étoffes d’ameublement.
Photos ci-dessus :
Toile imprimée pour ameublement modèle « Catherine », France, éditeur et dessinateur Manuel Canovas, 1983, impression au cadre sur coton
Toile imprimée pour ameublement à la planche de bois, Jouy-en-Josas, manufacture Oberkampf, vers 1790
Toile imprimée pour l'ameublement, montants de roses et de lilas sur un treillage, Alsace, Mulhouse, manufacture Schwartz Huguenin, vers 1843-1863, impression au rouleau et à la planche de bois sur coton
Les fleurs japonisantes sont imaginées par des artistes, après la découverte de l’art japonais lors des Expositions Universelles dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les estampes japonaises diffusent de nouvelles espèces : pivoines, fleurs de cerisier et de prunier. Par leur manière originale de dessiner la flore, elles inspirent des compositions textiles originales en Europe.
Les bouquets de fleurs sont empruntés aux natures mortes pratiquées par les peintres fleuristes et sont autant de sources d’inspiration pour les dessinateurs des manufactures de toiles peintes. Sous le Second Empire, les fleurs coupées ou en pot se répandent dans les intérieurs grâce à l’essor de la production horticole. Une mode décorative qui donne lieu à de véritables trompe-l’œil dans les étoffes pour ameublement et qui se décline en plus petits pour le vêtement.
Photo ci-dessus :
Toile imprimée pour ameublement, Champ de tulipes France ou Angleterre, manufacture inconnue, 1927, impression au rouleau sur coton
L’ART DE PORTER DES FLEURS
Depuis le XVIIIe siècle, l’imprimé floral, motif associé au printemps, particulièrement apprécié dans le vêtement féminin et les accessoires de mode, a connu de nombreuses déclinaisons. Année après année, les fleurs, naturalistes ou stylisées, continuent d’inspirer les dessinateurs industriels et les créateurs.
Les fleurs dans la confection se caractérisent par des motifs plus petits régulièrement renouvelés. L’apparition du prêt-à-porter féminin s’accompagne d’une grande créativité à chaque saison. Les dessinateurs industriels continuent de puiser dans le vocabulaire de la flore du jardin, des champs ou des contrées lointaines : fleurs miniatures, stylisées ou naturalistes.
Le carré fleuri est un accessoire de mode féminin, généralement en soie imprimée, hérité du mouchoir de cou porté dans les campagnes. Il accordes une large place aux motifs fleuris, déclinés au naturel ou stylisés, jouant sur les gammes de couleurs et les fonds sombres ou clairs.
Les fleurs des créateurs sont devenues des modèles intemporels pour la mode : le camélia de Gabrielle Chanel, les roses et la ligne Corolle ou, encore, le muguet de Christian Dior, le chardon d’Alexandre Mc Queen ou les orchidées de Léonard.
Photos ci-dessus :
Toile pour ameublement, fleurs naturalistes traitées en bouquet, Mulhouse, manufacture Schwartz Huguenin, vers 1852-1855, impression à la planche de bois sur coton
Toile imprimée pour ameublement, modèle « Valnue » Suède, Edition Boras, 1999, impression au cadre sur coton
Echantillon d’ameublement, Alsace, Mulhouse, manufacture Thierry Mieg & Cie, vers 1880, impression au rouleau sur coton
UN CRÉATEUR INVITÉ
La fleur est omniprésente dans l’univers de la mode et de la couture. Source d’inspiration inépuisable pour les plus grands créateurs, elle se transforme et se métamorphose afin que chacun exprime son propre style. Le musée de l’Impression sur étoffes, accueille à l’occasion de cette exposition un créateur emblématique ayant à sa manière écrit une page de l’histoire de la fleur dans l’univers de la mode : Leonard.
En 2018, Leonard Paris fête ses 60 ans de création. Avec pour emblème l’orchidée, fleur sauvage et fragile, la Maison Leonard a su durant toutes ces années magnifier l’art de fleur, celui de la représenter et celui de la porter. Ainsi, son succès, Leonard le doit à la finesse et au caractère unique de ses dessins sertis et poudrés retranscrivant à la perfection la délicatesse et la fragilité de chacune des fleurs imprimées. La fleur, les fleurs constituent l’identité de la Maison Leonard dans un style unique et iconique.
Photos ci-dessus :
Leonard Paris, collection Robe courte Hortensias, dessin Nabuco, été 1993 / tous droits réservés
Présentation de robes Léonard dans le parcours du Musée / Tous droits réservés : Leonard Paris - Musée de l?impression sur Etoffes
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