Le carnet d'Intima
La lingerie, avec ses matières fragiles et délicates, est un produit dont la durabilité est difficile à garantir. Elle est majoritairement fabriquée à partir de dentelles, de broderies, de tulles, des matières nobles mais aussi vulnérables. Ces articles intimes sont particulièrement sensibles à l'usure et au temps, d’autant qu’ils sont lavés à chaque porter. Leur processus de fabrication nécessite des techniques de modélisation et d’assemblage précises ainsi qu’un savoir-faire certain qui ne facilitent pas leur réparation. Pourtant, prolonger la durée de vie des articles de lingerie est crucial pour réduire leur impact environnemental. Sterenn Lerède, Responsable Développement Durable & RSE à La Fédération de la Maille, de la Lingerie & du Balnéaire, nous apporte son éclairage sur cet enjeu essentiel.
ALLONGEMENT DE LA DURÉE DE VIE : UNE FORTE ATTENTE CONSO
Prolonger la durée de vie d’articles de lingerie permet d'éviter la création de nouveaux déchets textiles. Contrairement à d’autres vêtements, la lingerie est rarement recyclée, finissant soit enfouie, soit incinérée, ou parfois exportée vers des pays lointains. Dans le meilleur des cas, elle est donnée à des associations caritatives pour être redistribuée à celles qui en ont besoin. Le recyclage textile, en particulier pour des articles aussi complexes que la lingerie, reste encore une gageure.
En France, l’Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH) a été précurseur en lançant, dès 2022, une grande enquête Durhabi (1) pour évaluer la durée de vie attendue des vêtements, dont la Lingerie, et la durée réelle d’utilisation par les consommateurs. Cette enquête a également éclairé les pratiques d’entretien des consommateurs, et a identifié les principaux défauts observés sur leurs sous-vêtements au fil des lavages. A titre d’exemple, elle a confirmé que les causes principales de fin de vie des articles textiles pour les consommateurs sont la déformation (72 %) et l’apparition de trous et déchirure (58 %) pour les bas de sous-vêtements, ainsi que les accessoires défectueux (60 %) pour les hauts de sous-vêtements. La déformation et le relâchement du produit pendant l’usage sont également des causes majeures de fin de vie des maillots de bain.
Ces retours de consommateurs sont essentiels pour renforcer la durabilité. Ils ont permis, avec l’analyse des qualiticiens sur les articles retournés aux marques, de mieux comprendre les principales causes de fin de vie de la lingerie. Grâce à cela, il a été possible de lier ces causes à des défauts textiles types et d’identifier les essais physiques normalisés à réaliser. L'objectif est d’aider les marques de lingerie à améliorer leur qualité initiale à long terme, en adoptant des démarches d’écoconception ou de co-conception avec les utilisateurs.
Les consommateurs réclament davantage d’engagement de la part des marques en matière de durabilité physique de la lingerie. Pour répondre à cette demande, les marques et fabricants mettent en avant leurs efforts d’écoconception qui visent à améliorer la robustesse et la longévité de leurs produits. Cela leur permet non seulement de se différencier sur le marché, mais surtout d’instaurer un véritable dialogue avec les consommateurs sur la qualité des matières et articles de mercerie utilisés, et les méthodes de fabrication robustes et responsables. Les allégations de durabilité réassurent les consommatrices que les articles de lingerie suivent un cahier des charges responsable et que leur durabilité a été vérifiée.
VERS UNE NORMALISATION DE LA DURABILITÉ
En parallèle à l’enquête consommateurs, l'IFTH a complété l’étude Durhabi par des recherches en laboratoires, portant sur la solidité et la résistance de pièces finies d’habillement. Il est à soulever la grande implication d’un grand nombre de marques de lingerie, secteur très représenté et actif dans le projet. La qualité initiale des parties textiles et non textiles et de la confection des sous-vêtements joue un rôle important dans leur durabilité. Pour ce faire, les marques peuvent dès à présent se fier aux recommandations techniques standards issues du projet Durhabi en vue d’améliorer, tester et comparer leurs produits.
« Il est important de proposer des cahiers des charges et une méthode d’évaluation unique (3), qui tienne compte de ces retours consommateurs pour une note de durabilité physique représentative des réelles causes de fin de vie des produits, pertinente et non compensatoire. » évoque Gaëlle Courage, cheffe de projets sensorialité et durabilité à IFTH et pilote du projet de recherche appliquée Durhabi.
La méthode ainsi proposée permet déjà d’influencer les travaux de normalisation français (via le BNITH) et européens (via le CEN : TC 248 WG 39), ainsi que la prime relative à la durabilité des produits mise en place pour la filière Textile-Linge-Chaussures (dans le cadre des écocontributions de Refashion), et aussi les règles d’une future méthode européenne de score environnemental avec le PEFCR Apparel & Footwear pour une uniformisation des exigences.
Ces projets de normes visent à cadrer l’évaluation de l'impact environnemental des articles de lingerie et à informer et guider les consommateurs vers des choix plus durables. IFTH avait en effet pour mission avec le projet DURHABI d’apporter des données tangibles uniques et robustes à ces différents travaux sur le sujet.
ENCOURAGER UN MEILLEUR ENTRETIEN
Les consommatrices ont un rôle crucial à jouer dans la durabilité de leurs articles de lingerie. Un entretien approprié (cycle spécifique, lavage à basse température, utilisation de lessive douce et de filets, technique de séchage appropriée etc. ) peut prolonger la vie de ces articles délicats. Les marques de lingerie commencent à sensibiliser avec pédagogie sur des consignes d’entretien sur mesure, des distributeurs multimarques référencent même la lessive spécifique en vente complémentaire, en sus du pochon de lavage parfois offert. Les consommatrices sont des actrices essentielles de la durabilité, en adoptant de meilleures pratiques d’entretien de leur lingerie, elles peuvent assurer que leurs sous-vêtements restent en bon état plus longtemps, contribuant ainsi à une approche plus durable et respectueuse de l’environnement.
LA RÉPARATION : UN NOUVEL HORIZON
La réparation de la lingerie est une autre voie prometteuse pour augmenter sa durée de vie. L’éco-organisme REFASHION, en collaboration avec la Fédération de la Maille, de la Lingerie & du Balnéaire et un groupe de marques dédiées, élabore actuellement un plan d'action pour intégrer la lingerie dans le Bonus Réparation. Actuellement exclue de cette initiative, la lingerie pourrait bientôt bénéficier de services de réparation subventionnés, offrant ainsi une nouvelle option durable aux consommateurs. Des ornements, accessoires pourraient ainsi être remplacés pour prolonger la durée de vie, des empiècements pourraient être recousus ou encore les armatures des soutiens-gorge qui risquent parfois de perforer pourraient être remises en place. Diverses solutions seront ainsi proposées aux consommatrices pour prendre soin plus longtemps de leur lingerie. Il est bon de noter en effet que le caractère intime de ces pièces n’est pas un frein à leur réparation par des professionnels, voire par les marques elles-mêmes. Certaines développent des services adéquats pour la réparation après-vente, comme Ysé qui non seulement répare ses maillots de bain en les personnalisant avec des broderies, mais a également initié un nouveau partenariat avec le réseau de retoucheurs "Les Réparables’’.
De la même manière, il est à noter que les articles de lingerie, même abîmés, doivent être déposés dans les points de collecte de proximité (conteneur sur la voie publique, collecteur dans les boutiques, et déchetterie). Ces derniers seront transportés dans un centre de tri géré par des acteurs de l'Economie Sociale et Solidaire, qui pourront peut-être les réparer et leur offrir une deuxième vie.
CONCLUSION
La durabilité des articles de lingerie est un enjeu majeur qui résonne de plus en plus auprès des consommateurs. En augmentant la qualité initiale et la résistance à l’usage, en normalisant les méthodes d’évaluation des produits, en encourageant l’écoconception, en promouvant un meilleur entretien par les consommateurs ainsi que de meilleures précautions d’usage, mais aussi en facilitant la réparation et le recyclage, nous pouvons réduire significativement l'impact environnemental de ces articles. Autant de leviers d’action parfois accessibles et faciles à mettre en œuvre, tant du côté des fabricants que des utilisateurs. Ce virage vers une lingerie plus durable permettra de motiver les consommateurs à faire des choix plus responsables, transformant ainsi leur acte d’achat en un geste écoresponsable.
(1) Selon une enquête réalisée en ligne au printemps 2023, largement diffusée par les marques et fédérations partenaires, 36 900 répondants ont participé. Pour en savoir plus sur l'étude Durhabi : www.ifth.org
La Fédération de la Maille, de la Lingerie & du Balnéaire dispense de nombreuses formations sur les sujets Développement Durable et RSE, et notamment des formations sur "les Allégations commerciales et environnementales" et de "Décryptage des lois AGEC et Climat & Résilience" (www.la-federation.com/fr/formations).
Contact : Sterenn Lerède, slerede@la-federation.com , Tel : + 33 1 49 68 33 65
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