Le carnet d'Intima
Urgence sanitaire,
climat, inflation… l’époque ne ménage pas les marques et les remises en
question s’accumulent, comme autant de challenges qu’il faut relever en faisant
preuve d’une stratégie souple et résiliente pour arriver à les
surmonter. Trois ans après le démarrage de la pandémie, le magazine Intima
a souhaité faire le point avec quelques acteurs clés du secteur, en les
interrogeant sur les leçons qu’ils tirent de ces années difficiles et les
nouvelles stratégies qu’ils mettent en place. Un état des lieux comme un arrêt
sur image, un bilan pour mieux capter les nouveaux usages, comprendre les
enjeux à venir et mettre en perspective les opportunités du futur.
Changement de paradigme
Faire
preuve de résilience, c’est le mot qui résonne comme une réponse possible pour
appréhender cette période inédite qui a tout fait valser. Parce que le retour à
notre vie d’avant est utopique, comme un « re-set » il faut
désapprendre et réapprendre nos façons de vivre, de penser, de créer, de
vendre, d’acheter et de consommer. C’est bien une ère nouvelle qui émerge que
nos sociétés doivent absorber par une attitude résiliente.
Jeremy
Rifkin, essayiste américain spécialisé en prospective économique et
scientifique, en a fait le titre de son dernier livre « L’âge de la
résilience » (1) dans lequel il affirme que l’ère du « progrès » est bel
et bien finie et qu’il va falloir passer « de la croissance à la
floraison ». Il nous explique ainsi, lors d’une interview dans le magazine
l’ADN(2) :
« J’appelle résilience notre capacité à restaurer un monde vivable après
différentes crises. C’est donc un concept qui embrasse l’économie, la
sociologie, la psychologie. Face au changement climatique ou aux
pandémies, il ne s’agit plus d’être
fort, mais d’accepter que nous sommes vulnérables. Et donc d’accepter d’être ouverts au monde et à de nouvelles
expériences. Toutes les espèces doivent se montrer résilientes pour prospérer.
Alors que notre système économique est basé sur l’idée de croître,
une idée plus différente qu’il n’y paraît de celle de prospérer. »
Ainsi,
ce changement de paradigme doit être embrassé aussi par les acteurs de la
lingerie pour repenser leur modèle économique et leurs offres.
Alors que
l’ensemble du secteur du textile souffre encore des effets de la pandémie,
couplés à ceux liés à la guerre, le secteur de la lingerie est l’un de ceux qui
s’en sort le mieux en France avec 2,74 milliards d’Euros et une croissance de +
7,9 % en valeur, entre mars 2021 et mars 2022(3) selon une étude
Kantar de juin 2022.
Des
signes de reprise donc qui permettent aux acteurs de la lingerie de croire à
une future nouvelle embellie de l’activité. Et, mieux encore, puisque derrière
toute crise, des opportunités se créent et il faut savoir les saisir pour
perdurer, voire pour conquérir de nouveaux territoires et de nouveaux clients.
Au lieu d’être un « empêcheur », ces perturbations sont, au contraire,
un catalyseur qui donne aux marques la possibilité de se remettre en question,
de se réinventer, de s’épanouir. Qu’il s’agisse de nouveaux concepts produits,
de l’extension de gammes et de tailles, ou d’engagements en matière de RSE, les
sujets sur lesquels les marques, petites et grandes, travaillent sont
multiples. Voici notre tour d’horizon des actes de résilience stratégiques qu’elles
ont mis en place au cours de ces quelques années pour le présent et le futur.
Mot
d’ordre : décloisonnement
Auparavant,
tout était clair : un soutien-gorge permettait de maintenir la poitrine et
se portait sous les vêtements. Un pyjama servait à dormir et se portait
uniquement chez soi. Un maillot de bain servait à nager et ne s’affichait que
sur la plage ou aux bords d’une piscine. Une parure sexy était appréciée pour
une occasion spéciale. Aujourd’hui,
les frontières se brouillent. Tout se mixe, tout se mélange et si rien ne se
perd, tout se transforme !
Les
confinements à répétition, le télétravail imposé, devenu nouvelle norme, la
hausse des prix qui limite les achats et l’influence des jeunes générations qui
consomment différemment, sont autant d’éléments qui modifient profondément les
styles de vie, donc les produits qui vont avec. Et voilà que les objets sont détournés
de leur fonction première et les vestiaires deviennent versatiles pour s’adapter
à ces nouveaux modes de portés. Les marques de lingerie l’ont bien compris et se
sont appropriées ces tendances de fond pour créer de nouvelles offres et
élargir leur périmètre. Comme le résume très justement Samantha Montalban
co-fondatrice de la marque Mina Storm : « le Covid et ses confinements
nous ont enfermés, nous avions besoin en tant qu’être humain de liberté et du
coup naturellement de décloisonner nos garde-robes ! ».
Le
loungewear se déconfine
Chez Le
Chat, Grégoire Chalumet Directeur Général de la marque de lingerie de nuit et
loungewear, constate : « le marché a été complètement modifié avec le
confinement. Si on nous l’avait dit il y a trois ans on n’y aurait jamais cru.
– et de poursuivre - Avec l’explosion du télétravail, nos produits sont devenus
incontournables. ». Ainsi, on comprend que les consommatrices ne vont plus
chercher un produit pour un usage unique, il faut que ce dernier puisse être
polyvalent et s’adapter à plusieurs situations. Le « 5mileswear » (8
kilomètres à la ronde, dans une tentative de traduction) a été inventé aux
États-Unis pour définir le périmètre minimum d’usage autour de la maison qui
comprend idéalement l’école, les courses et la salle de sport.
Auparavant
cantonnés à un petit marché de niche, avec des produits uniquement utilisés en
intérieur, surtout par une cliente plutôt âgée, le homewear devient d’abord
loungewear pour poursuivre et assumer la posture d’un véritable vêtement qu’on
expose au regard des autres. C’est ainsi que naît une opportunité de
transformation pour ces gammes qui prennent en volume, mais qui doivent aussi
prendre en valeur. Car pour être socialement admis dans la sphère visible,
extérieure ou intérieure, ils doivent associer leur confort intrinsèque à un
style plus poussé et à la mode, s’inspirant directement des codes du
prêt-à-porter.
Chez
Esquisse, jeune maque « digital native », c’est chose faite, Céline
Jean, fondatrice de la marque, a lancé au printemps-été 2022 une ligne
loungewear baptisée « Coolwear ». « Je voulais inventer un
nouveau nom pour définir cette nouvelle catégorie de produits, qu’on ne peut
plus appeler homewear, car c’est trop réducteur par rapport au véritable usage
qu’en font mes clientes » nous dit Céline. « La ligne regroupe des
produits pour « chiller » en intérieur ou en extérieur avec, par
exemple, un top en polyester satin recyclé qui est porté par mes clientes la
nuit, mais aussi le jour et à l’extérieur associé à une veste et un pantalon de
tailleurs. Ou bien mes kimonos qui se promènent aussi bien à la maison qu’à la
plage. ». « Chiller » le mot est lâché par Esquisse -une de ces
jeunes marques les plus à même d’écouter et comprendre ces nouvelles
générations et leurs nouvelles habitudes- oui, « chiller » ce même
verbe qui va entrer dans le dictionnaire l’an prochain. Preuve que ces
tendances ne sont pas une mode passagère, mais qu’elles sont profondément
enracinées et reflètent les évolutions profondes de nos sociétés modernes.
Même
constat chez La Nouvelle, qui remarque que sa ligne homewear, avec ses kimonos,
est portée à la plage et transmise de mère en fille. Ces nouvelles pièces de
homewear sont non seulement versatiles, utilisées dans des lieux différents,
mais en plus, elles doivent être durables pour être portées durant plusieurs
années et transmises en héritage entre les générations, comme le serait un
vêtement ou un accessoire précieux. La marque a aussi lancé sa ligne 89 de
loungewear conçue tout en « confort et doudou ».
Malgré
une année 2022 moins flamboyante que la précédente pour cette typologie de
produits, la tendance est bien là et l’ensemble des marques comptent bien y
prendre part, comme le constate Grégoire Chalumet pour Le Chat : « il
y a un grand nombre d’acteurs qui veulent prendre part à ce marché : des
spécialistes, des corsetiers, mais aussi les nouvelles marques de prêt-à-porter
comme Sezane et Balzac Paris. Cet essor du télétravail est une opportunité,
mais apporte aussi une concurrence accrue et multi-visages ».
Ainsi, la marque Sans Complexe, dédiée aux
poitrines généreuses, va lancer sa ligne de homewear multi usages. « Par
ailleurs, les confinements nous ont offert la possibilité de casser les
frontières entre nos clientes et notre marque par une communication, un
dialogue direct sur les réseaux » poursuit Corinne Andrier Responsable
des marques et du multi-canal.
Chez Simone Pérèle, même constat, et, si la marque a la volonté de rester sur son cœur de métier, elle souhaite aussi continuer à développer son offre complémentaire nuit et loungewear lancée en 2017 « qui prend de plus en plus de poids dans les ventes, suite aux périodes de confinement qui nous ont permis d’émerger sur ces catégories nouvelles chez nous » comme nous dit Mathieu Grodner, Président du groupe.
Pour le groupe Chantelle, la catégorie se nomme « Lifewear » et se décline sous les marques Femilet, Passionata, et, plus récemment, chez Chantelle afin d’offrir un style au large spectre, qui couvre à la fois des pièces classiques du homewear, mais aussi ces nouvelles formes versatiles inspirées du sportswear, comme les sweat-shirts à capuche ou les pantalons de joggings, qui se portent comme de véritables vêtements d’extérieur, y compris pour faire du sport.
Ce marché florissant intéresse les acteurs la lingerie et ceux du vêtement, la question étant aussi de savoir quel est le meilleur endroit physique pour vendre ces nouveaux produits : le rayon lingerie, le rayon dédié ou les rayons de prêt-à-porter ? Où, sans doute ici aussi, il va falloir décloisonner les espaces de ventes en les traitant comme des îlots « lifestyle », à l’image d’un e-shop, mixant toutes typologies de produits et d’usages à l’instar des concept stores comme celui d’Urban Outfiters, où le prêt-à-porter, la lingerie et le loungewear se côtoient, sans frontières, avec de nouvelles lignes aux noms évocateurs qui reflètent ces changements comme « Out From Under ».
Oui au Neo-sexy
street
Il n’y
a pas que le homewear qui voit sa fonction bouleversée, la lingerie elle-même
change de visage et d’usage. S’inspirant de nouveaux codes urbains, c’est un
nouveau vestiaire de « lingerie-à-porter » qui émerge. Si la pandémie
a accéléré le phénomène, l’approche est plus ancienne et est née sous
l’influence de jeunes marques digitales qui en ont fait leur signature.
Notons
le vestiaire avant-gardiste de la marque La Nouvelle qui, avec une offre qui
répondait à un besoin de plus de naturalité et de sensation « NoBra »
au porter, par la suppression des armatures, a créé un vestiaire intemporel
« à la lisière entre le bijou, le vêtement et la lingerie » nous
disent ses deux co-fondatrices. Pour renforcer cette idée, celles-ci
collaborent pour la Saint-Valentin avec la marque de bijou Atelier Paulin, en
créant un coffret constitué de leur brassière Georgia aux liserés dorés qui
fait écho aux codes du bracelet « Lovers » de l’Atelier Paulin.
Même
démarche chez Noo, dont le décloisonnement fait partie de l’ADN, dès le
lancement de la marque. « Nos clientes veulent sortir des codes
traditionnels de la lingerie en s’inspirant de ceux du prêt-à-porter. Nous
avons construit notre offre par usage pour suivre les détournements qu’elles en
font » nous dit Elissa Regnier-Vigouroux co-fondatrice de la marque.
Chez
Mina Storm il n’y a plus de frontières d’usages non plus : « nous
développons fortement notre offre de « No Bra tops » que nos
clientes portent en dessous, mais aussi en vraie pièce de prêt-à-porter
multi-usage pour faire du yoga, du vélo ou même pendant la période
d’allaitement. Ainsi, l’idée de cette forme est née de la volonté d’apporter
« plus de confort, de bienveillance, de liberté et de versatilité »
en supprimant l’élastique de basque d’une brassière.
Chez
les grandes marques, Chantelle a vite anticipé le mouvement en lançant Soft Stretch,
dès 2017, car « les tendances sont de plus en plus atomisées, et la façon
de porter les vêtements n’est plus la même chez les nouvelles
consommatrices. » nous dit Renaud Cambuzat Directeur Créatif du groupe. La
gamme est donc pensée versatile pour remplacer le soutien-gorge classique ou le
top de prêt-à-porter. « La ligne est devenue un basic
incontournable » ajoute Renaud.
Dans la
même logique, chez Simone Pérèle, la ligne Simone a été lancée en donnant
carte blanche à l’équipe style: « la lingerie sort de son univers et entre
dans la mode, à l’instar du prêt-à-porter, et en cela est une très belle
opportunité pour nous » conclut Mathieu Grodner.
C’est
tout à fait la position de Chantelle avec Chantelle X, qui a pour vocation de
casser les codes classiques jusqu’alors utilisés dans la lingerie sexy. Le
lancement officiel de la marque a eu lieu en novembre dernier dans un
environnement ultra-moderne et design, sous la coupole de l’Espace Neimeyer à
Paris. Un « UrbanSexy », « SexyUrbain » ou
« SexyStreet » qui démontre l’incroyable ascension de ces nouvelles
garde-robes qui décloisonnent les styles. Cette tendance de fond est visible
durant les Fashion Weeks où l’on voit s’afficher de plus en plus fortement et
durablement les silhouettes traitant les pièces de lingerie comme un vêtement à
part entière. Poussé par des jeunes labels que l’on a vus portés dans les rues
de New-York début septembre, comme Maryam Nassir Zadeh, Eckhaus Latta ou
Vaquera, le corps des filles, comme celui des garçons se déconfine, on le
montre, on le dévoile, on l’assume dans une démarche qui réclame la liberté,
l’abolition des frontières et des genres qu’ils soient de style, d’usage ou de
sexe.
Chez
Aubade, Samar Vignals définit ce nouveau vestiaire par « des
dessus-dessous qui se montrent, se voilent et se dévoilent, laissant apparaître
une épaule, un dos. Nous répondons à toutes ces nouvelles attentes dans nos
collections, avec de nouveaux portés et de nouvelles zones du corps qui sont
mises en valeur comme nos bodies aux dos spectaculaires. ».
Et en
effet, l’un des produits phare de ces nouveaux vestiaires est bien le body.
Relégué au placard il y a quelques années, il est devenu le modèle
incontournable pour de nombreuses marques. C’est le cas chez Noo et Livy, qui
constatent que leurs maillots de bain aussi sont portés dans la rue comme un
body ! Preuve s’il en faut qu’il n’existe plus de codes, mais des envies.
Du côté
de Sans Complexe, on a la volonté « d’apporter du confort supplémentaire
avec le développement de nouvelles formes sans armatures qui permettent le jeu
de « inside/outside ». Il y a moins de frontières dans la manière de
porter la lingerie, quel que soit l’âge et la taille ».
Atelier
Amour a fait le constat que « les filles n’hésitent plus à porter une robe
en dentelle sur un corps nu ou un soutien-gorge sexy ou un bustier sous une
veste. Cela s’est particulièrement vu cette année, lors de la période
d’Halloween, où ces nouvelles panoplies étaient portées comme un nouveau
déguisement. Le sexy est devenu courant et mainstream puisqu’il se montre pour
sortir et ce n’est plus un problème. » précise Rachel Bouchon. Pour
affirmer ce territoire construit autour d’une sexualité féminine assumée,
Atelier Amour pense collaborer avec de nouvelles marques de sex-toys, de bijoux
de corps ou de cosmétiques érotiques.
La marque
Livy, s’est construite sur cette nouvelle silhouette : « l’idée chez
nous c’est de porter la lingerie comme un bijou, elle fait partie intégrante
d’une tenue et les gens la portent comme ils veulent. C’est une lingerie qui se
montre avec une proposition de silhouette complète qui va jusqu’au pull car je
voulais casser les frontières entre le prêt-à-porter et la lingerie. Par exemple,
nous avons des soutien-gorge qui sont conçus pour porter avec nos pulls dos
nus » nous dit Lisa Chavy fondatrice de la marque. Avec sa ligne Earth
Pleasure, Lisa essaie de sortir de la sexiness classique en testant un nouveau
mixage de « sexy décontracté pour répondre à une femme qui veut être
sexy et casual à la fois ». Ce qui ne l’empêche pas en parallèle de
renforcer son positionnement de « haute-lingerie » avec une gamme
dédiée aux moments d’exception.
Alerte
prix
Sous
l’effet de la hausse des matières premières, le prix croissant de l’énergie et
l’inflation générale, les prix de revient de toutes les marques augmentent. La
question du prix est devenue centrale pour les marques et stratégique. Ainsi,
toutes réfléchissent à comment ne pas-
trop - pénaliser leurs clients, qui, elles le savent, sont dans un
moment critique quant à leur pouvoir d’achat.
Pour le
groupe Chantelle, la stratégie va être de monter en gamme à partir du printemps-été
2023, l’augmentation de prix nécessaire va donc passer par une valeur ajoutée
sur le produit perceptible par les consommatrices. « Chez Passionata le
soutien-gorge positionné à 40€ est très apprécié des grands magasins et
boutiques allemandes, belges et espagnoles. De son côté, Chantelle démarre à
70€. » nous confirme Renaud.
Le Chat fait le même constat « si notre prix moyen se
situe autour des 120 - 130 €, nous pouvons monter jusqu’à 250€ pour un beau
peignoir incrusté de dentelle. Les femmes sont prêtes à payer le prix pour une
belle pièce. » nous affirme Grégoire. En parallèle, les gammes de prix
vont être étendues : « nous allons mettre en place une ligne d’intemporels
avec vingt modèles en stock sur les trois années à venir -pyjama et chemises de
nuit- pour un prix de vente 80-90€. Une entrée de gamme pour nous qui est
demandée par le marché et aussi pour l’export. » ajoute-t-il.
Pour Livy, marque de luxe
accessible, Lisa nous confie que « les augmentations de prix sur
certains modèles ne sont pas un problème. Nos clientes l’ont bien compris, car
nos produits sont très travaillés et je pense qu’elles ne s’en sont même pas
rendu compte. Nous sommes une PME de 140 employés maintenant, nous sommes
obligés de passer par ces augmentations, car il faut que nous arrivions à tenir
et cela passe forcément par une hausse de nos prix ».
Rachel pour Atelier Amour nous
dit qu’elle construit ses produits différemment en opérant des analyses de la
valeur pour « essayer de rester accessible en jouant sur des mix de tulle
et dentelle par exemple. En parallèle, je peux me permettre de monter plus haut
en gamme avec des mélanges de satin et dentelle ».
Pour Esquisse, Céline nous dit « c’est
un gros dilemme, car je ne veux pas pénaliser les consommatrices et je suis une
petite marque de niche encore peu connue et positionnée haut de gamme -130 à
150€ pour un ensemble-. Mes prix sont luxueux, avec une matière luxueuse et des
impressions réalisées chez Hermès en Isère. Mais sur un e-shop on ne peut pas
toucher la matière, il est donc parfois difficile pour mes clientes de
comprendre mes prix. ». Elle sera pourtant obligée de répercuter des
hausses sur ses prix publics, avec des augmentations de l’ordre de 5€ sur
certains produits.
Du côté de
Simone Pérèle on applique une « stratégie graduelle, régulière et
progressive, quitte à rogner parfois sur nos marges pour que ce soit indolore
pour nos distributeurs et nos consommatrices. Nous avons la chance d’avoir
nativement une offre de prix très étendue, avec un positionnement de luxe
abordable et des amortissements possibles entre les lignes plus ou moins
haut-de-gamme. » nous confie Mathieu. De la même manière la marque
justifie ses hausses de prix en augmentant la valeur perçue du produit et cela
est rendu possible car « nous sommes en partie préservés du fait que nous
continuons à produire dans nos propres usines et nous ne sommes pas totalement
dépendants de nos fournisseurs. Le dollar fort nous impacte peu, puisque
nous ne sourçons pas en Chine. ».
De la même
manière, Lise Charmel « fonctionne en circuit court, ce qui nous
permet plus de flexibilité dans cette période imprévisible. Le flux tendu
implique aussi quelques soucis d’approvisionnement, souvent résolus grâce aux
liens forts et de longue date avec nous fournisseurs. La quasi-totalité de la
corseterie est produite dans nos propres ateliers dont nous avons la totale maîtrise
y compris sur nos prix. » nous explique Olivier. Ainsi « nous pouvons
faire attention au pouvoir d’achat des consommatrices et nous avons maintenu
quasi inchangés nos prix de vente chez Lise Charmel et chez Antigel dont les
soutien-gorge restent respectivement à 140€ et 60€. » ajoute-t-il.
Chez Sans Complexe, « le
Positionnement est abordable, avec des prix sans se ruiner puisque nos
ensembles coûtent entre 55€ et 100€. Il est important pour nous de garder cet
excellent rapport qualité prix, mais on va devoir passer à une augmentation qui
restera modérée l’an prochain. Le risque c’est d’avoir un impact sur les
volumes de ventes. » analyse Corinne.
Les augmentations de prix de
revient ont lieu tous les jours chez La Nouvelle, puisque la marque travaille
avec l’Europe, « nous voyons une répercussion de l’inflation, 10 à 15 %
sur nos prix d’achat et nous avons dû faire de toutes petites hausses d’environ
0,50€ sur nos brassières et culottes en prix wholesale. » nous expliquent
Aurélie et Alix. « Nous souhaitons conserver des prix justes et rester au
plus proche de nos objectifs, car nous ne voulons pas perdre nos
clientes. ».
En revanche, chez Noo et Mina Storm on a fait le choix de
ne pas répercuter ces hausses quotidiennes sur le prix final.
Que faire de la RSE
La RSE est de la responsabilité des entreprises,
nous l’avons tous assimilé. Après plusieurs saisons durant lesquelles les marques
ont porté leur attention sur la prise en compte de cette dernière, force est de
constater que la tâche n’est pas facile. Le sujet est sensible et difficile à
mettre en place et à communiquer pour éviter de se voir accuser de
« greenwashing », de marque qui manque d’engagement ou de sincérité
dans ses actions RSE. Un équilibre fragile à trouver.
Chez Simone Pérèle, Mathieu nous
dit que c’est un « gros sujet que l’on essaie d’aborder par une approche
la plus globale possible avec un spectre sur l’ensemble des métiers, il y a la
réglementation d’un côté et ce qu’on a envie de faire de l’autre. Nous avons
mis en place le programme « Simone Cares » en 2021 qui est ambitieux
dans sa durée si on veut changer les process. Nous nous faisons accompagner par
un cabinet spécialisé dans la stratégie et son pilotage pour arriver à nos
ambitions, avec un comité RSE dédié. Notre ambition est d’arriver à mettre en
place nos actions dans les trois ans à venir. ». L’humain a une part importante
dans ces actions et « nous faisons des partenariats avec des associations
et œuvrons pour une représentation positive des femmes dans nos contenus et au
sein de notre entreprise ».
Chez Noo aussi les actions concrètes en faveur des
femmes sont essentielles : « nous avons un partenariat avec La Croix
Rouge dans le cadre de notre programme « Buy For Her » : on offre une
culotte à celles qui en ont besoin. Cette année plus de 35 000 culottes
ont été données dans ce cadre. » nous explique Elissa.
Pour Chantelle, Renaud nous explique
« que nous mettons en place notre programme « Chantelle For
Change » mais nous parlons moins d’éco-responsabilité, car on commence à
en voir toute la complexité. Nous sommes moins communicants, mais plus impactants
dans nos actes. ». Dans la démarche d’éco-conception, « Chantelle One a
été un exemple précurseur, mais il est encore trop tôt pour évaluer son impact,
car il y a encore très peu de retours. ».
Du côté de Mina Storm, Samantha nous dit avoir
« fait le recrutement d’une personne RSE il y a deux ans. L’objectif est
de faire un bilan carbone sur chacune de nos lignes pour les améliorer et nous
avons bénéficié d’aides financières et d’un accompagnement de l’ADEM (Agence de
Transition Ile de France) qui nous aide dans cette transition. On nous a
reproché de ne pas communiquer sur la RSE, notre approche est d’en faire
beaucoup sans en parler. Lorsque l’on prend la parole sur ces sujets, c’est que
nous sommes sûrs de nous. » Par ailleurs, la marque est labélisée
OEKO-TEX® depuis juillet 2022. « C’est une chose d’avoir des matières
labélisées, s’en est une autre d’avoir son entreprise labélisée» nous dit
Samantha. « A terme, notre objectif et d’être certifiés B-Corp. ».
Chez Sans Complexe on a aussi
recruté une directrice RSE issue d’une ONG. Corinne nous dit que « la
loi AGEC est très difficile à adapter. Nous avons mis en place le programme
« We Act » pour tout le groupe, avec une communication qui soit
digeste pour la cliente.
La Nouvelle fait très attention à
son sourcing : « nos matières sont recyclées, détricotées et
retricotées, en provenance de déchets plastiques récupérés en mer Méditerranée.
Nous faisons attention aussi à nos process de teintures qui utilisent le moins
d’eau possible. »
Chez Atelier Amour et Livy on
préfère miser sur des usines haut de gamme en Asie puisqu’il n’y a plus assez
de savoir-faire et de capacité en France. Livy s’appuie en parallèle sur le
programme « WeCare » du groupe Etam.
Enfin, Il y a des points autour
desquels toutes les marques se rejoignent, c’est la durabilité de leurs
produits. Devenue prioritaire, la durabilité fait partie des axes
d’améliorations, pour une planète plus saine qui aurait moins de déchets à
traiter, puisque si les produits étaient plus résistants, ils seraient moins rapidement
jetés. Par ailleurs, l’authenticité et
la transparence sont deux autres valeurs très importantes dans la construction
d’une RSE positive.
(1) L’Age
de la Résilience écrit par Jeremy Rifkin – Paru le 19 octobre 2022
(2)
Interview
de Jeremy Rifkin par Jacques Braustein – Paru dans le magazine L’ADN le 29
novembre 2022
(3)
Etude
Kantar parue en juin 2022
(4) Etude
du Syndicat National des Professeurs de Yoga réalisée avec un panel de 200 000
participants parue dans Chin Mudra – Novembre 2021
(5) Etude
Valuates Reports réalisée au premier semestre 2022
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