Le carnet d'Intima
Souvent traitée par les marques de manière bien trop restreinte, l’inclusivité n’est pas qu’une question de kilos et de morphologies, mais elle englobe les différences dans toute leur globalité. Formes plus naturelles, majeurs choix de tailles dans les lignes mode, mais aussi refonte des images de communication, voyons comment tout cela est en train d’évoluer pour correspondre aux nouvelles attentes des individus.
Aux
Etats-Unis, le combat pour le rejet de l’injonction à la minceur et l’ouverture
à la diversité des corps féminins, se sont vus célébrés par de nouvelles marques à la croissance
fulgurante comme Savage x Fenty by Rihanna qui, en l’espace d’un défilé, a
fait choir de leur podium les « anges » pourtant si populaires
de Victoria’s Secret. C’était comme si d’un
coup on prenait enfin conscience que le corps si parfait des mannequins, conforme aux normes du fantasme masculin,
n’était pas le reflet de la réalité et qu’il existait une pléiade de diversités
de corps et d’expressions de la beauté ! Rihanna
va même plus loin puisqu’elle met en scène son propre corps, comme lors de la Fashion Week de mars
dernier où elle s’est affichée, très enceinte, en petite tenue. Plus récemment encore, la superstar a fait la une du Vogue US
avec un ventre très rond exhibé sous une combinaison ultra sexy en dentelle
rouge orangé de la tête aux pieds. Ce cliché, pris par la
photographe Annie Leibovitz, a fait le
buzz en étant liké par plus de 4 millions
de personnes en moins de 20 heures et commenté de manière élogieuse. Preuve
qu’aux Etats-Unis, l’inclusion a déjà fait son chemin et est entrée de plein fouet dans l’ère du
« Body Conscious » ou « Body Con », un mouvement qui s’identifie comme une reconquête féministe
poussée à l’extrême, à l’image
des fesses assumées et très rebondies des filles Kardashian.
Et que dire de Skims, la « solution-brand »
lancée par Kim Kardashian avec le slogan « tout pour tout le
monde » qui facture déjà 3,2 milliards de dollars – eh oui vous avez bien lu ! – et qui fait son entrée aux
Galeries Lafayette Haussmann. Côté maillot,
Skims propose seulement quelques modèles fashion du
XXS au 4XL. La marque vient d’ailleurs de lancer Adaptive, une extension
de sa collection Everybody destinée aux personnes à mobilité réduite. Des
fermetures invisibles et confortables – sans Velcro, zips ou magnettes - mais aussi accessibles (entre les bonnets ou sur le côté), une matière douce et extensible, 4
coloris de peau, le tout présenté par une
égérie de choix : l’athlète paralympique Scout Bassett.
La marque Parade, elle aussi largement médiatisée ,
va jusqu’à s’affranchir de la question du genre.
Plus récemment encore, la nouvelle marque de shapewear Yitty
de la chanteuse Lizzo va encore plus loin dans l’inclusivité de tailles, en revendiquant une lingerie
gainante destinée à toutes les morphologies. Les
modèles, allant du XS au 6XL, sont déclinés dans des couleurs vives dans une
volonté de montrer les rondeurs au lieu de les
cacher.
Dans le même courant, la
marque Chromat propose ses maillots du XS au 4X (4 tailles supérieures
au XL). Avec son #ChromatBABES sa créatrice Becca McCharen-Tan entend
« redonner du pouvoir aux corps de toutes formes et de toutes tailles
puisqu’il existe de nombreuses versions différentes de la beauté et que chaque
corps est digne d’amour ».
En Europe, l’influence de la 4ème
vague du féminisme post Me Too et l’impulsion de la Gen Z ont fait évoluer les
rapports au corps et ont contribué à
faire émerger les questions d’inclusivité dans le secteur de la mode, particulièrement celui de la lingerie, secteur dans lequel certaines marques ont
largement surfé sur la tendance, quitte à en faire trop et à tomber dans le
« diversity washing » ou dans
« tokénisme ».
Chantelle a sûrement été
la première marque de corseterie à casser les codes avec ses campagnes dès
l’A/H 19 montrant des images non retouchées de femmes aux silhouettes non
conventionnelles avec, en égérie, Tehya Elam. Depuis, l’imaginaire lingerie a
beaucoup évolué, grâce aussi à l’impulsion des réseaux sociaux, terrain de prédilection des marques
« indies » très engagées. Les bourrelets ne sont plus prescrits, ni
les peaux matures d’ailleurs, comme le
montre la prise de position de Darjeeling. A travers sa campagne publicitaire, mettant en scène une
femme de plus de 60 ans - la célèbre Caroline Ida Ours - en pleine nature, ne
portant qu’un ensemble de lingerie, la marque a
crée une image qui restera publicitaire et qui ne risque pas d’exister
dans le réel, puisque la lingerie ne se
montre pas en public. Dans un autre
registre, saluons les vidéo d’Empreinte, véritable ode aux corps féminin
aux formes épanouies.
Fidèle à sa nouvelle campagne autour des
« Nouvelles Héroïnes » , mettant à
l’honneur des femmes de tous horizons, Simone Pérèle ne se focalise plus
sur leurs corps mais sur ce qu’elles accomplissent, ce qu’elles créent. Le bain
suit logiquement cette approche, avec les mêmes castings que pour la
lingerie. « Nous shootons différentes femmes chaque saison, l’objectif
selon notre ADN est de les rendre belles et élégantes, d’obtenir de belles
images quelle que soit leur morphologie, rondes ou non. Par exemple, l’an
dernier nous avons photographié une femme de 50 ans afin de rappeler que nous
nous inscrivons dans une démarche de « age fluid ». Mais nous ne
photographions pas systématiquement, à chaque
saison, tous types de morphologies, nous faisons une sélection à chaque
nouvelle collection en fonction du message sur lequel nous voulons insister.
Ainsi de saison en saison, toutes les
femmes peuvent s’identifier et c’est particulièrement visible sur notre compte
Instagram » explique Ludivine Rambaud,
Responsable Communication et Image pour la marque. Sur les produits, la
stratégie consiste à créer des styles très variés et à développer dans une même
ligne de produits plusieurs déclinaisons de formes, avec ou sans armatures, qui
sont inclusives puisqu’elles correspondent à différents types de besoins et
montent pour certaines jusqu’au bonnet F et à la
taille 46.
Rendre visible « l’invisibilisation » des
corps plus mûrs, des corps ronds, ou aux différents tons de peau semble
paradoxalement plus simple en lingerie qu’en bain. Pourtant, né il y a un
siècle, entre les deux guerres, durant « les années folles », le
maillot de bain, tel que nous le connaissons, a été
un objet d’émancipation pour les femmes. Popularisé au début des années
40, grâce à l’avènement des premiers congés payés, il leur a permis d’enfin se mouvoir dans un corps libéré de
toute entrave, de toute contrainte, de pouvoir nager, faire du sport ou tout
simplement se prélasser au soleil ! Ce n’est que peu à peu, qu’il est devenu un
instrument de diktat et d’objectification
du corps, idéalisé dans les magazines, tantôt pulpeux, tantôt maigre, tantôt
sportif avec une poitrine généreuse ou des seins menus… Selon les modes, chaque
époque a vu son propre idéal de beauté imprimé sur papier glacé comme une injonction.
Encore aujourd’hui, une étude récente de
l’Ifop (1), nous indique « qu’alors que la plage devrait être un espace
propice au dévoilement serein des corps, une femme sur deux (49%) y redoute de
faire l’objet de remarques désobligeantes sur au moins une partie de son
corps ».
Rien de très extrême en Europe donc, où, dans les pays du Sud en particulier, le rapport au corps est encore intrinsèquement lié à l’esthétisme, qui prime toujours sur le confort et le bien-être. En Italie, en Espagne et en Grèce, nombreuses sont les marques de maillots de bain ne proposant que 3 tailles. Il faut bien avouer qu’au-delà du discours, il n’est guère aisé de monter en taille, car cela implique nécessairement de revoir complètement la structure du produit, en particulier pour le top. Et, si pour la lingerie la solution bralette déstructurée et confortable a connu un vif succès dans toutes les tailles, il ne semble pas en aller de même dans le maillot… Et pourtant la tendance est bien là et les spécialistes des grandes tailles comptent bien en profiter ! Des corsetiers, bien sûrs, qui se sont tous diversifié avec succès dans le balnéaire, mais aussi les spécialistes du balnéaire grandes tailles, qui voient là une occasion inespérée de sortir de l’éternel une-pièce couvrant noir ou marine… Quel bonheur pour une jeune fille de pouvoir s’acheter un joli bikini dans les coloris mode de la saison en taille G+ !
Les jeunes générations
assument davantage
leurs rondeurs ou leurs seins
volumineux et les affichent en portant des maillots sexy et colorés, aux imprimés
vifs, souvent accompagnés
d’une communication de marque qui valorise tous les corps comme étant les
nouveaux étendards d’une beauté gaie, positive, contemporaine et surtout
plurielle.
Cela a comporté un vrai
changement de stratégie chez les spécialistes des grandes tailles, et notamment
chez PrimaDonna, élue marque de
corseterie la mieux vendue par les boutiques en France dans le
cadre des Best Boutiques Brands Awards
organisé par le Groupe Intima. Carole
Lambert Directrice de Style nous dit : « on remarque que les femmes plus rondes prennent
confiance en elles et ne souhaitent plus se cacher derrière des maillots de
grand-mère, elles choisissent donc la
couleur et le fun. Dans la même logique,
le style sexy ne doit pas être réservé à une petite tranche de la population et
les maillots sont de plus en plus audacieux tout en gardant le confort qui est
crucial pour séduire la génération des Alphas (…) ». Forts d’une expertise de plus de 150 ans et
d’une méthode de test réalisés sur de vraies femmes - à partir de ses propres
collaboratrices - la marque belge offre près de 70 tailles de bikinis allant
jusqu’au bonnet I.
Du côté du groupe Wacoal
Europe (Fantasie, Freya et Elomi), l’audace toute britannique, dont le
groupe fait preuve depuis des années via des couleurs vives et des imprimés
forts, s’inscrit désormais totalement dans la tendance. Chez Fantaisie,
dont les tailles de bonnets vont jusqu’au J, on mise sur un rapprochement entre
les femmes et la nature avec une approche de conception éco-responsable, le tout joué dans des
couleurs exotiques car selon Charlotte Austin, Directrice de la création
« les clientes sont excitées à l’idée de retrouver leur liberté et des
aventures exotiques longtemps interdites ». Chez Freya, on décline
à fond la carte de l’imprimé et de la texture en s’inspirant de la lingerie pour
élargir l’offre grandes tailles vers des styles plus mode et plus audacieux. Enfin, chez Elomi, on affiche des corps plus
ronds et des couleurs de peau
plus variées, en ouvrant la gamme à des pièces
hybrides et ludiques telles que la culotte de bain jupe.
Du côté de chez
Anita, on capitalise sur le style et la technologie issus du sport qui
lui ont permis d’être élue marque numéro 1 dans la catégorie soutien-gorge de
sport auprès des boutiques de lingerie européennes dans le cadre des Best
Boutique Brand Awards 2021. La marque ne parle pas de corps au naturel, elle essaie plutôt
de galber et valoriser la silhouette de manière très confortable par des
techniques de shapewear et via des innovations permettant, notamment
dans les collections de Rosa Faia, d’obtenir des formes plus sexy et des styles plus
modernes.
Enfin, chez Empreinte,
on valorise le « savoir-faire d’artisan au service des femmes bonnets
C et plus - jusqu’au bonnet G - qui booste la confiance en soi ». Ces
dernières années, la
marque se concentre sur
les pièces les plus intemporelles aux découpes modernes et précises
parfaitement réalisées, sculptant les courbes pour allier « allure et
liberté » sans avoir forcément recours aux armatures. L’inclusivité chez Empreinte
ne passe pas uniquement par la modernisation des collections et par des visuels
de communication avec des corps diversifiés, mais aussi par la mise en scène de
leurs « vraies » employées qui fabriquent les pièces comme le feraient des
joailliers.
Sous forme de petites vidéos « Paroles d’Artisanes » publiées
régulièrement sur YouTube, Pauline, Isabelle ou Marlies, de parcours,
d’origines et d’âges différents, présentent leur savoir-faire diversifié de
corsetière au service des femmes.
Si la transition est plus facile pour ces
marques historiquement orientées vers les grandes tailles et les corps
différents, elle est moins évidente pour les marques de corseterie
traditionnelles. Cependant, ces
dernières ne pouvant faire fi de la tendance,
même si elle n’est pas inscrite dans leurs gènes, ont dû s’adapter à la demande
et céder à la pression particulièrement forte sur les réseaux sociaux pour une
communication visant l’égalité, la « visibilisation » de tous les
corps et la création de produits plus confortables, plus adaptables, imaginés pour toutes les femmes quelle que
soit leur morphologie. Notons par ailleurs que ce mouvement a été renforcé et
accéléré par la pandémie, qui l’a ancré encore plus profondément et a changé le
rapport que les femmes ont avec leurs corps et donc leurs attentes, notamment en matière de lingerie plus
versatile. Ces acteurs corsetiers historiques, français pour la plupart, ont
donc « foncé » sur la tendance, car il s’agissait aussi pour eux de survie. Voyant les jeunes générations
les délaisser au profit d’autres marques qui avaient mieux compris leurs
attentes, ils n’avaient d’autres choix
que de prendre le virage de l’inclusivité.
Ainsi,
en lingerie, la marque Chantelle, précurseur en la matière, a anticipé en
élargissant son offre il y a 5 ans avec Soft Stretch, sa ligne totalement inclusive en termes de style, de
technologie, de communication et de sizing. Natacha Jacquier-Laforge,
Directrice Artistique Style pour les marques du groupe, nous confie :
« nous souhaitons décliner la gamme Soft Stretch sur le bain, car
nous sommes convaincus que le concept séduira la génération des
Alphas. Mais à l’heure actuelle, il est difficile d’arriver à la mettre au
point car nous devons avoir une matière suffisamment flexible pour couvrir un
maximum de tailles tout en restant opaque. ». En parallèle, la marque renforce sa communication avec des
corps variés, voluptueux et aux différentes carnations en proposant ses gammes
jusqu’au bonnet G. L’inclusivité au sein du groupe passe aussi par l’éco-responsabilité et l’objectif est qu’en
2025 tous les produits soient éco-conçus.
Ainsi, dans un avenir proche, la ligne de lingerie recyclable Chantelle
One, se verra déclinée pour le bain. « Le style sera épuré, minimaliste très découpé
avec des bandings et des techniques inspirées du sport pour une sexiness
moderne, très désirable pour les jeunes générations ».
Même
démarche chez Sloggi, chez qui il était plus simple d’intégrer le
mouvement puisque les premières collections bain sont sorties en 2020, et comme
pour leur collection de bodywear, la marque bannit les armatures et les
push-ups en travaillant le « easy-sizing » ; ici, pas d’attaches
dos, pas de profondeurs de bonnets, on compte sur des matières hyper
techniques, élastiques et adaptables, inspirées du sport, pour enfiler les
produits comme un T-shirt. « Notre objectif est de célébrer le « no
normal » et le confort en créant la « basket du maillot de bain »
avec une vision athleisure, comme nous le faisons en lingerie avec Zero Feel
notamment. Nous capitalisons sur une silhouette naturelle, sans artifice, loin
des stéréotypes sans chercher à la corriger. Le tout dans une démarche simple
en taille et en prix pour que notre produit soit accessible à toutes, y compris
les grandes tailles. » nous dit Valérie Fleischer, Global
Head of Product Management pour les marques Sloggi et Triumph.
Chez Sloggi, l’inclusivité passe aussi par une gamme versatile qui
libère les corps et les activités avec par exemple, des maillots à manches qui
peuvent se porter pour nager, faire du sport ou aller boire un verre au bord
d’une piscine. Côté communication, la marque reste fidèle à son ADN en jouant
avec un humour décalé et sans tabou avec
la diversité des corps, des peaux et des
âges.
Toute autre approche chez Lise Charmel, première
marque de lingerie à proposer une véritable collection de balnéaire dès la fin
des années 90. « Pour nous l’inclusion n’est pas une tendance sur laquelle
on surfe, puisque notre raison d’être depuis toujours est de participer à
l’épanouissement personnel des femmes et de toutes les femmes - nous dit Sylvia
Daumal, Directrice de Création pour le groupe et de poursuivre - :
Nous n’avons pas attendu que le phénomène soit à la mode, c’est un
non-évènement pour le groupe puisque nous étions un des premiers acteurs à
proposer des bikinis vendus en séparables avec une grande variété de formes de
culottes, afin de répondre aux différences de morphologies que peuvent avoir
quasiment toutes les femmes entre le haut (jusqu’au bonnet G) et le bas de leur
corps ». Soucieuse de préserver cet ADN et fidèle à son image, la marque
continue à mettre tout en œuvre pour aider les femmes à se sentir bien sur la
plage : « nos maillots de bain sont le prêt-à-porter de la lingerie
pour un usage de plage » précise joliment Mme Daumal. Même démarche chez Antigel,
la marque du groupe destinée aux jeunes femmes, qui propose des collections
très vives, gaies et fantaisies, et qui
rencontre un véritable succès en boutiques selon le palmarès de
l’enquête annuelle d’Intima.
Chez Aubade, le PE 23 marque un vrai tournant
: « d’une image d’un corps figé, montré en close up, nous évoluons à
l’expression d’un féminin vivant à l’écoute des préoccupations des femmes. "ELLE"
toute entière commande la narration, corps et âme, la tête et le corps se réconcilient.
Une marque qui retrouve sa tête, retrouve de l’esprit, de l’émotion face au
monde et à celui des femmes.
Une marque qui se remet en question, qui écoute le monde qui l’entoure et ce
que les femmes lui glissent au creux de
l’oreille : leurs revendications, leurs attentes, leurs fantasmes… » La marque a su évoluer dans une approche plus
légère et graphique qui joue avec la structure
à travers les coupes flatteuses, les lignes, les contrastes couleur et
les matières, tout en s’appuyant sur son savoir-faire corsetier qui lui permet d’aller du bonnet A au H en lingerie et E pour le maillot.
Du côté de Passionata, Natacha
Jacquier-Laforge, Directrice Artistique Style pour les marques du groupe Chantelle,
explique « pour l’été 2023, nous opérons un véritable virage avec des
maillots très découpés, assez provocateurs qui osent les jeux de plein et vide pour une jeune femme qui assume
ses formes. Le tout décliné dans des
couleurs très pops, très vives avec des imprimés néo-rétro inspirés des
seventies » de quoi apporter du positivisme dans le contexte un peu morose
de ces dernières années. Enfin pour compléter les gammes maillots, chez Passionata,
on essaie de casser les stéréotypes féminins en proposant « des formes
beachwear qui s’inspirent plus du vestiaire masculin comme notre shorty en
éponge coordonné à une brassière sans armature ».
Une mention spéciale va à l’italo-américaine Cosabella
qui, avec son concept
« Cosabella for people »,
s’inscrit en plein dans cette tendance sociétale, comme nous le confirme son
Co-PDG Guido Campello « Depuis
la création de la marque, notre histoire est faite de défis permanents : l'objectif, inciter l'industrie à trouver
de nouvelles façons de s'adapter aux différentes physicalités et faire tomber
les barrières à l'expression de soi liées à l'image corporelle, à l'identité
sexuelle, au genre et à l'âge [...] Après 4 décennies, notre approche initialement
centrée sur les femmes a évolué naturellement, au rythme d’une société en
constante évolution. C'est un moment magnifique ». Aujourd’hui, Cosabella propose désormais de
la lingerie qui pousse au-delà du monde exclusivement féminin et souhaite
habiller toutes les personnes, quels que soient leur morphologie, leur teint,
leur âge, mais aussi leur identité sexuelle. Il s’agira désormais de trouver l’ensemble de
ses lignes de sous-vêtements, lingerie de nuit et balnéaire dans une version
spécifiquement conçue pour les morphologies masculines.
Les
marques spécialistes du maillot de bain n’ont pas toutes suivi le courant; il suffit de parcourir les réseaux sociaux pour s’en rendre
compte… Du coup, en France, les femmes considèrent encore, à 39%, que leur représentation n’est pas réaliste dans la
communication, selon les
résultats du premier baromètre Inclusion & Diversité réalisé par Kantar
Insights et The Good Company. Un constat ressenti encore plus fortement chez les séniors.
Cette même étude montre que les français ont beaucoup de mal à croire
en la sincérité des marques dont l’inclusion n’est pas dès le départ intégrée
dans leur ADN. La mémoire collective est forte car les deux marques citées
spontanément en exemple d’inclusivité réussie sont
les seules Dove et Benetton.
Un
principe confirmé par l’analyse réalisée par Kantar qui affirme que :
« quelle que soit la manière dont vous choisissez d’être inclusif dans
votre publicité, la chose la plus importante à retenir est d’être fidèle à ce
que vous êtes aujourd’hui, et ce que vous voulez être dans le futur car
l’objectif est que l’inclusion fasse sens, et non pas que ce soit juste une
présence “symbolique” ». Quelques
marques de lingerie célèbres en
ont fait les frais.
Dans ce contexte, les acteurs du bain
européens installés depuis longtemps avancent avec parcimonie en renforçant çà et là une image, un message, une
raison d’être déjà construite qui fait
sens, qui va dans le prolongement de leur positionnement d’origine.
Sortie première dans
le palmarès BBA de marques les plus vendues par les boutiques françaises en
2021, Pain de Sucre ne rentre pas
dans le débat d’images et reste très attachée à son imaginaire
esthétique. « L’inclusive n’est pas une tendance mais une exigence,
lorsqu’on veut servir une clientèle qui évolue » nous dit d’une manière
très pragmatique Christian Keusseyan, qui avec Bernard Evans, est aussi à la
tête d’un réseau d’une trentaine de points de vente de l’enseigne. Les maillots de bain de la marque s'adressent à
toutes les femmes et habillent désormais jusqu’à l’équivalent bonnet E dans
certains modèles de la collection.
Même démarche chez l’allemande Maryan
Mehlhorn, l’inclusivité est inscrite dans l’essence même de la marque qui,
depuis toujours et sans éclaboussures, décline son style hautement désirable,
de la taille 38 à 50 et jusqu’au bonnet F. Eres reste fidèle à son
positionnement tout en s’ouvrant à d’autres archétypes
de beauté et en intégrant des collaborations avec des designers venus d’horizons différents tel le couturier
libanais Rabih Kayrouz pour la collection actuelle.
D NU D, fait
la preuve via sa communication sur
Instagram tout en restant très esthétique, que ses
maillots aux décolletés très plongeants, graphiques, modernes et sexy
peuvent aussi se porter sur des corps
plus voluptueux et des poitrines plus profondes.
L’espagnole Ysabel Mora mise sur une approche positive du corps dans ses
collections qui s'adressent à toute la
famille.
Remarquée pour son approche militante, Mara Hoffman venue des Etats-Unis s’est fait une place
au sein de l’offre européenne. Sa créatrice se revendique comme étant
« une des voix les plus actives et
ferventes défenseuses de la recherche de plus de justice raciale
et sociale pour le bien d'une société plus équitable ». Ainsi, tout naturellement, ses modèles colorés sont réglables grâce à des nouages et des
matières souples et texturées et sont régulièrement portés par des femmes
rondes et de couleurs différentes. Les tailles sont bien sûr inclusives
puisqu’elles montent jusqu’au triple XL.
Notons aussi la poussée
de la marque Artesands, appartenant au groupe australien Bond-Eye, parmi
les premiers à s’inscrire clairement dans le mouvement « body
positive » grâce aussi à sa collaboration avec la célèbre mannequin Robyn
Lawley qui faisait déjà la une du Vogue Italie
en 2011 avec Tara Lynn et Candice
Si les marques déjà établies ne peuvent
embrasser totalement la tendance inclusive, il en est d’autres nées sur le
digital pour la plupart, qui ont compris qu’il y avait un créneau à prendre.
Une prise de position, de
parole donc pour ces nouvelles venues sur le marché, qui s’inscrit dans les
mouvements du « body positivisme » ou « body neutrality »
qui ont éclos ces dernières années sur les réseaux sociaux. Une manière de
revendiquer le fait d’être bien dans son corps pour le premier, ou tout
simplement ne pas focaliser sur ce corps pour le second, quelle que soit sa
morphologie. Le choix de son maillot de
bain, moment souvent vécu comme une épreuve, a évidemment son rôle à jouer.
Ainsi la jeune génération
de créateurs l’a totalement intégré dans son business model et particulièrement dans sa
communication sur les réseaux sociaux. Pas
question de capitaliser sur un
savoir-faire de corsetier, mais bien sur une écoute et un langage adaptés aux jeunes
générations. La plupart de ces marques n’ayant pas de points de vente
physiques en propre, capitalisent sur le tout digital, ce qui leur
permet d’être plus vindicatives dans leur message d’inclusion. Néanmoins, ces marques de la « nouvelle vague » ne
perdent pas de vue que le marché auquel elles s’adressent reste assez
conservateur. En Europe, il est capital de communiquer avec douceur et de
privilégier la beauté, le glamour et de ne pas tomber dans l’excès de chairs ou
d’images qui à l’inverse pourraient caricaturer la femme de la rue, la rendre
laide et avoir un effet répulsif.
Grâce au digital et aux réseaux sociaux, nous assistons à
une prolifération de marques nées digitales et verticalisées (Digital Natives
Verical Brands) qui incarnent et interprètent le sujet de l’inclusion avec des
solutions diverses et originales : de l’esprit sur-mesure avec extensions de tailles,
à l’idée du maillot polyvalent ; des coloris pensés pour
des tonalités de peau différentes, mais aussi un engagement
militant pour des produits éco-conçus et made in France, partons ensemble pour un petit
tour d’horizon…
Anja Paris, qui vient d’entrer au
Printemps Haussmann, photographie ses maillots de bain sur leurs clientes.
« Nous faisons chaque saison un « shooting morpho » pour pouvoir
s’adresser à toutes sur Instagram. Nous avons sélectionné cette année une mère
et sa fille, une jeune femme enceinte, une femme plus mûre et différents
gabarits. Nous ne photographons jamais de mannequins, mais
uniquement des femmes de la vraie vie afin d’illustrer la femme Anja
sous « toutes ses coutures » » nous explique Faustine Baranowski Styliste pour la marque.
Pas de corps parfaits donc chez cette jeune marque à l’aura solaire, douce et
poétique qui sort ses collections éco-responsables en drops limités pour
« répondre à tous types de besoins, certaines lignes correspondent mieux à
des poitrines menues, d’autres à des corps plus ronds avec des formes pensées
pour ne pas créer des marquages de tension, comme par exemple notre best-seller
la culotte haute et toujours avec en crédo le confort afin que nos clientes se
sentent bien. Nos coloris sont pensés pour matcher avec tous types de couleurs
de peaux et nous écoutons beaucoup nos clientes pour être le plus juste
possible dans nos réponses produits. Nous créons une vraie proximité avec
elles, un vrai échange par la création de collections accessibles au plus grand
nombre » ajoute Faustine.
Maline Bodywear, est une nouvelle marque
lyonnaise et Made in France qui a pour mission de : « promouvoir une
mode éthique en proposant des créations très confortables, écoresponsables et
anti-UV sublimant toutes les morphologies du 34 au 48 (…) accompagnant les
femmes tout au long de leurs aventures ».
We Are Jolies porte un nom comme un cri
de ralliement et son logo parle de courbes et d’amour. Les
deux fondatrices Florie et Prune ne se reconnaissant pas dans l’univers des
marques existantes qui selon elles contribuent à l’hypersexualisation des femmes,
choisissent en majorité des mannequins atypiques : ronds, plus âgés, de
peaux claires et foncées ou des femmes enceintes. Un panel large poétiquement photographié
et mis en scène sur Instagram dans un esprit de sororité bienveillante. La
gamme maillots s’étend du 34 au 46 dans des matières recyclées avec une
brassière qui se mixe aux 8 formes de bas dont leur
best-seller le bloomer.
Maison Finou, quant à elle, crée et
fabrique des pièces inclusives Made in Paris. La gamme de tailles est très large pour ce nouvel
acteur qui couvre du 32 au 52 et du A au G. La Maison se présente comme faisant
du sur-mesure puisque la quasi-totalité des formes et tailles sont réalisées à
la commande. La collection s’articule autour de formes iconiques qui sont
personnalisables, une autre manière d’aborder l’inclusivité par la création de
son propre maillot, selon ses propres envies, goûts et sa propre personnalité.
Muze Paris, dont l’inclusivité est au
cœur de son engagement, avec son slogan « Be Your Own Muze » a pour objectif d’abolir la
culpabilité de ne pas trouver sa taille en maillot. Les créatrices Romane et
Sylvia travaillent des matières flexibles pouvant couvrir plusieurs
morphologies. Ainsi, les 3 tailles sous les noms imagés et positifs de Divine,
Céleste et Exquise, grâce à des astuces de bijoux réglables et de jeux de
nouages (à la place de fermetures classiques) couvrent les corpulences du XXS
au XXL. Ces mêmes réglages précieux, permettent de créer différentes formes en
fonction des envies et des morphologies. Ainsi une culotte peut se transformer
en tanga. Sur les réseaux, la marque s’applique à photographier un wok-culturel
qui inclut métissage, différents âges et morphologies sans aucune retouche afin de « célébrer tous les
corps » à la plage comme à la ville puisque le vestiaire versatile a été
pensé pour être porté à différentes occasions.
Je ne sais quoi, la
marque de l’influenceuse Louise Aubery, fait un carton ! Après avoir lancé sa
lingerie, Louise s’est attelée aux maillots de bain avec le crédo « New
Rule No Rule ». Une gamme simple portée par des corps de différentes
corpulences et carnations, aux couleurs vitaminées avec un discours pêchu qui
pousse les femmes à reprendre le contrôle de leur corps, à casser les codes,
les injonctions et à être positives quelle que soit leur morphologie. Un langage qui
s’adresse clairement aux jeunes générations, les encourageant à oublier le
regard des autres et à se faire plaisir avant tout. Les tailles sont au nombre
de 8 du XXS au XXL, et portent aussi des noms imagés pour ne pas culpabiliser
les clientes.
Théoni Paris s’adresse elle à des
femmes qui recherchent des formes plus glamour en bain en misant sur une
inclusivité de bonnets profonds qui passe par un maintien irréprochable. De
formation lingerie, sa fondatrice Virginie Bernard, travaille le fitting
parfait, son crédo pour atteindre confort et maintien. « J’ai créé un
body-maillot qui va jusqu’au 46 avec une sensation seconde peau qui s’oublie au
porté et une durabilité de confort qui s’adapte selon les évolutions de la
silhouette et du cycle d’une même femme ». Virginie a noté par ailleurs une
très grosse demande de ses clientes pour des formes de haut qui montent très
profondément en bonnets et pouvant s’associer à des formes de bas peu
couvrantes en petites tailles. « Mes clientes font souvent une taille
standard pour le bas avec un bonnet qui monte jusqu’au F voire plus. J’ai donc
créé grâce à une matière gainante et confortable, un bandeau qui permet de
répartir le poids des seins tout autour du buste et ainsi alléger la sensation
de lourdeur qu’une poitrine profonde peut parfois provoquer. J’ai également une
forme foulard appréciée de mes clientes car elle englobe bien avec un décolleté
sexy et profond ». Théoni a pour objectif dans ses prochaines collections
de monter jusqu’au 52 et de couvrir les bonnets G.
Lolo Paris, la marque de lingerie inclusive et
innovante, a lancé son premier maillot
de bain sur le même business model. « Notre constat est que les tailles
actuelles ne font pas sens car elles se basent sur le postulat que les corps
sont tous proportionnés de haut en bas. Or, il n'en est rien puisqu’on peut très
bien avoir un corps pulpeux avec une très petite poitrine ou bien à l’inverse, avoir des seins très généreux et
des fesses menues » nous explique Mélissa Perraudeau Co-fondatrice
de la marque. Fortes de leur expérience sur la lingerie pour laquelle les 2
fondatrices ont développé un soutien-gorge décliné en une soixantaine de
tailles (en moyenne 6 fois plus qu’une marque traditionnelle), elles lancent
« selon le même mode de conception un maillot de bain une pièce en Econyl
qui reprend le concept de mix & match très courant sur les 2 pièces. En
mixant des tailles différentes entre le bas et le haut de buste sur notre une
pièce, nous obtenons une trentaine de tailles totalement inclusives qui
n’existaient pas jusqu’à présent » ajoute Mélissa. Chez Lolo Paris, pas de
méthodes classiques de gradation donc, mais bien l’invention, la création de
formes aux tailles hybrides non existantes sur le marché actuel. Appuyé par leur algorithme qui permet à la cliente de
cibler la taille parfaite, ce maillot construit avec un élastique tout autour
du dos maintient jusqu’à la taille 52 et 120G. La communication sur les réseaux
est tout naturellement inclusive avec un casting de 4 femmes aux différentes
morphologies. Pour PE23, la marque travaille sur un maillot de bain 2 pièces
selon le même principe.
Leel Lingerie, supportée
par RougeGorge, qui a d’abord lancé sa ligne de lingerie pour poitrines
généreuses « le crush des bigs boops », vient de créer une ligne de
maillots de bain composée de une-pièce et de bikinis. Séverine Dhellemmes
Directrice de Marque, nous explique : « notre socle est la conception
de corseterie pour répondre aux envies des femmes dans leur diversité, nous
travaillons autour de la morphologie de corps réels, pas comme effet de mode
mais comme la base de notre ADN, en co-créant nos collections avec notre
communauté ». La marque est née du constat que « beaucoup de jeunes
femmes passent par des étapes de métamorphoses rapides de leurs corps tout au
cours de leur vie en fonction des cycles, des grossesses… autant de
transformations souvent difficiles à vivre que nous devons supporter » ajoute Séverine. Par ailleurs, en co-créant les collections,
démarche inclusive par essence, ici aussi on a observé que beaucoup de tailles
ne sont pas couvertes ou bien que l’offre est inaccessible en prix pour les
jeunes femmes et exclut donc ces dernières. Un clivage d’autant plus vrai pour
les jeunes générations dont la poitrine est parfois extrêmement profonde sur un
petit dos : « nous avons des clientes qui font par exemple du 80F.
Comme toutes femmes avec un corps plus standard, ces dernières qui restent
fines, ne trouvent pas un maillot de bain comme celui de leurs « copines »
qui soit joli, mode, peu couvrant et sexy » nous dit Séverine. La marque mise sur des fermetures sur le devant des hauts
afin de régler le produit en fonction de sa poitrine et de ses variations et
souhaite monter le plus possible en taille à l’avenir. Enfin demain l’enjeu
sera pour la marque de réinventer un néo-maillot de bain qui intégrera la tendance du NoBra ou Soft Bra en
bannissant les armatures et fermetures inconfortables sur le corps grâce aux
innovations et qui puisse offrir autant de maintien.
Les jeunes marques essaient d’intégrer un discours inclusif
plus nuancé en liant écologie, responsabilité et féminisme différent de celui
promu à coup de gros budgets par des méga-stars influenceuses ou chanteuses, loin des clichés badass
affichés par ces dernières. Le ton est donné par la une du Vogue Espagne
avec le modèle noir Paloma Elsesser voluptueuse et belle comme une vénus
photographiée par Nadine Ljewere et en maillot Cala de la Cruz. Petit
tour d’horizon de nouvelles images swim :
Youswim (163k) made in UK,
n’hésite pas à poster sur les réseaux des corps ronds, des femmes tatouées,
menues ou non épilées, des femmes qui allaitent leur bébé, des jeunes, des plus
âgées, des handicapées, des peaux claires et foncées. Un bel exemple
d’inclusivité dans un esprit positif, joyeux, coloré et esthétique. Utilisant
dans ses collections une matière unique côtelée et floquée et donc très
flexible « Plastic Negative » issue des déchets récoltés dans la
nature, la marque peut monter en taille de bonnets jusqu’au G avec des formes
plus ou moins couvrantes allant jusqu’au boxers et crop-tops.
Fantabody (33,5K) affiche dans son manifesto sa
volonté de s’inscrire dans le Body Positive. Déclinée sous toutes ses formes et
pour tous les corps, la pièce éco-conçue est déconstruite, découpée,
reconstruite et réinventée pour toutes sortes d’occasions, d’utilisations
« pour toutes les filles qui veulent s’exprimer avec un corps libre et de
la personnalité ». Un concept innovant qui « embrasse la diversité et
encourage la confiance en soi ». Sur Instagram les visuels de la marque italienne sont beaux,
artistiques puisqu’ils sont le fruit de sa créatrice Carolina Amoretti
photographe de mode. Preuve qu’on peut concilier esthétique et message
inclusif !
All Sisters,(43,8K) comme son nom l’indique, la marque espagnole
joue la sororité. Les
lignes très graphiques s’exposent sur les réseaux sociaux sur des corps minces
mais aussi ronds, sur des peaux claires et foncées. La marque axe son discours
sur un swimwear
multifonctionnel et
éco-conçu.
Londre (125K), propose des
maillots avec une raison d’être bien à elle pour « apporter des
changements pour les femmes et l’environnement ». Un discours plus modéré
qui n’oublie pas que le secteur doit faire rêver et projeter une image positive
avec des images agréables à regarder.
Lonely (344K) en est une autre qui met en scène ses femmes
aux corps et aux origines variés dans une nature luxuriante pour sensibiliser à
un well-being qui connecte le féminin sous toutes ses formes à l’écologie.
Moloco Swim, elle, cible les femmes
enceintes, un pari audacieux pour cette marque qui se lance sur le marché
américain dont la culture n’est pas ou peu ouverte à l’allaitement dans
l’espace public.
Saint
Somedody créée en 2018 en Australie, assume son
inclusivité « généreuse » en se positionnant sur une offre qui
habille les femmes à partir de la corpulence moyenne c’est-à-dire le 40 et
jusqu’au 52. Les maillots sont
conçus durablement dans cette « entreprise pour le bien » très
attachée à une fabrication responsable incluant les femmes en difficulté avec
son programme « buy one, give one ».
D’autres marques créées par
des femmes noires font de plus en plus parler d’elles. Fondées par des entrepreneures
issues de minorités qui cherchent à s’intégrer dans une société qui n’est pas
toujours ouverte à leur vision, leur ADN est essentiellement inclusif et
féministe.
Citons
BFyne (497K) (à prononcer Be-fine) lancée par l’ambitieuse Buki Adé
poussée par l’envie de montrer au monde ce que les designers d’origine
africaine peuvent réaliser avec l’inclusion de la diversité et la mixité
culturelle.
Au Canada également Andrea Lyamah originaire
du Niger a créé sa marque éponyme s’inspirant des cultures ethniques et des
éléments de la nature, la terre vue
comme une matrice, tout comme les femmes. Les collections d’Andrea sont
puissantes mais toujours très esthétiques. Elle maîtrise
l’art de valoriser, de sublimer les corps voluptueux des femmes
d’origine africaine avec des modèles qui relèvent toute leur sensualité.
Ainsi, la définition du beau est de moins en
moins dictée par la société, mais par l’individu lui-même puisque les nouveaux
outils digitaux permettent à chacun de s’exprimer librement. Elle devient
plurielle et si les apparences évoluent, s’ouvrent à plus de diversité, la
recherche de beauté demeure dans un secteur où il est primordial d’apporter du
rêve pour toutes. Comme le dit Robin Givhan, américaine et journaliste de mode :
« les canons de la beauté ont évolué plus vite ces dix dernières années
qu’au cours des cent précédentes. Les changements se sont produits à une
vitesse folle là où les révolutions avancent généralement à tous petits pas (…)
De nos jours il ne s’agit plus de se conformer et de s’intégrer, mais de
montrer ce que l’on est à travers son apparence ».
On le voit, le maillot sort dans la rue, l’an
dernier le magazine Times a publié un reportage post-Covid sur les filles se promenant
quasi-nues en maillot de bain dans les rues de New-York et s’interrogeait
en ces mots : « brassières dans les parcs, boxers sur la Cinquième Avenue
: est-ce le point final logique de distinctions de plus en plus floues entre
public et privé ? ». Un phénomène qui en est aux prémices et qui est une
opportunité pour les marques d’aller au-delà de la première fonction de cette
pièce utilisée pour se baigner ou bronzer que l’on revêt uniquement sur la
plage ou à la piscine, pour passer au statut de vêtement du dessus à part
entière comme un T-shirt ou un short. Sa fonction s’étend donc, il doit pouvoir
être porté dans la rue, pour aller boire un verre, être versatile pour se
promener, faire du shopping, du running, du yoga ou être porté dans une salle de
sport par exemple. L’enjeu dans le futur, sera
donc de s’adapter à toutes les morphologies et de répondre à toutes les nouvelles fonctions qu’on lui confère
puisque la gen Z brise les frontières entre les activités, les moments, les
lieux de portés mais pas que…
En effet, dans cette logique de faire tomber
les murs, de très jeunes marques vont encore plus loin en s’affranchissant
totalement du genre. Portées par les tendances du « no gender »,
« neutral », « fluid » ou « less », leur démarche
autour d’une réflexion non-binaire, s’exprime sur les réseaux sociaux afin de
proposer une toute nouvelle vision qui ne fait pas que naviguer sur une mode
mais qui répond à une demande bien réelle peu couverte par l’offre aujourd’hui.
Ainsi, la marque Beefcake Swimwear,
créée aux Etats-Unis décline une combinaison-shorty éco-responsable dans un style très rétro qui rappelle les
premières pièces de bain de mer. Bien sûr, le produit peut être porté par des
femmes comme par des hommes, mais
surtout il permet aux femmes qui refusent de porter l’offre classique qu’elles
jugent trop genrée, trop sexy ou trop féminine pour des raisons de goût ou de
morphologie, de trouver un maillot qui ne les enferme pas dans leur genre et ne
les réduit donc pas à leur corps. Une nouvelle façon d’aborder la liberté
qu’elle soit physique ou mentale en sortant de sa case « cisgenre »
qui voudrait qu’on se conforme à des codes et à un dressing précis dictés par
la société. Ce type de produit séduit et fait
écho auprès de la communauté LGBTQ+ mais selon sa fondatrice Mel, sa
clientèle est plus « vaste comme la gamme d’expression de genres, d’âges
et de tous types de corps l’est dans le monde ».
TomboyX
est une autre marque certifiée B-Corp (société répondant à des exigences sociétales et environnementales,
de gouvernance ainsi que de transparence envers le public) qui
suit le même courant, fondée par deux queers pour lutter contre
« l’invisibilisation » de leur communauté dans l’offre mode. Leur mot
d’ordre est « la promotion de l’acceptation de soi grâce à un confort
radical et à l’inclusivité ». Pour pousser sa
raison d’être, la marque revendique
une équipe composée à 30% de LGBTQ+, à 77% de femmes et à 35% de BIPOC (Black,
Indigenous and People Of Color). Ici,
l’offre se compose de brassières, crop-tops zippés, débardeurs, T-shirts et
même de chemisettes pour le bain à mixer avec shorts, boxers, hipsters,
shorties et de une-pièce combinaisons à jambes avec ou sans manches. Une offre
très colorée qui puise son inspiration dans le dressing sportif.
Outplay, s’appuie sur les mêmes codes sportifs pour créer un
lifestyle « gender neutral activewear » avec des pièces shorties et
cyclistes coordonnées à des débardeurs
et T-shirts anti-UV. Le crédo de cette jeune marque :
« vous aider à vous sentir et à ressembler à vous-même et non à ce que la
société dit que vous devriez ressembler ».
Enfin, Rebirth Garments a pour
« mission de créer des vêtements et des accessoires non conformes au genre
pour les personnes de tous genres ». La marque pousse encore plus loin le
discours en s’installant dans une hyper niche selon la tendance
« Radical Visibility », « un mouvement basé sur la revendication
de son corps grâce à l’utilisation de couleurs vives, de tissus exubérants et
de designs innovants, mettant en évidence les parties des corps que la société
évite généralement ».
Puisant leurs inspirations du sport actif ou
bien du vestiaire masculin, on remarquera que ces marques font le même exercice
qu’ont réalisé avant elles des génies comme Coco Chanel ou Yves Saint-Laurent.
Créer un nouveau vestiaire pour le bain en adaptant des pièces à l’origine
réservées aux hommes pour tous les genres, sera sans doute comme en
prêt-à-porter un vecteur pour que les maillots de bain redeviennent un objet
d’émancipation pour tous.
Le maillot s’affranchit donc de tous les codes
alors qu’hier c’était un outil pour atteindre l’objectif de la beauté
uniformisée et dictée par la société. Aujourd’hui, il y a une ouverture aux
corps pluriels, à la multifonction et aux non stéréotypes des genres. Des
créateurs comme Casey Cadwallader pour Mugler l’ont bien compris et parlent
volontiers de vêtements qui doivent s’adapter à différents types de corps,
d’activités et de genres et non l’inverse, pour que tout le monde puisse en
profiter. Idem chez Courrèges, comme le dit Nicolas di
Felice « la mode ne se limite plus aux stéréotypes. C’est peut-être une
réaction à la société patriarcale ». Bodies, leggings, combinaisons,
cyclistes en maille très adaptable aux différentes morphologies ont été
beaucoup vus lors des dernières Fashion Weeks car spectaculaires, audacieux,
non genrés et en même temps couvrants le corps et donc rassurants et inclusifs.
De quoi inspirer les marques de maillots de
bains et leur imaginer un nouvel avenir, de nouvelles fonctions telle une
carapace féministe protectrice.
Il est intéressant de constater qu’un siècle
après l’invention du maillot de bain, nous nous trouvons dans une époque
charnière qui fait sa propre révolution féministe après celle entamée par les
artistes « Pionnières » des « années folles ». Ces
dernières font l’objet d’une exposition au Musée du Luxembourg qui trouve écho
à notre modernité et qui les met en lumière via leurs productions artistiques
très avant-gardistes. A l’époque déjà elles revendiquaient et œuvraient pour la
diffusion dans le monde d’une image du féminin différente en Art avec plus
d’inclusion, une vision ouverte de la sexualité, la non sexualisation
systématique du féminin, un réalisme reflet des vrais corps et des activités
des femmes et vu sous l’œil de ces dernières et non par le prisme masculin. Force est de constater que cent ans après nous
assistons à la même transformation du message publicitaire, des photos de
communication des marques de maillots de bain principalement via les réseaux
sociaux et que cette mutation est en majorité menée également par des femmes.
Et
si l’on en croit les nouvelles tendances, dans un avenir proche il faudra aussi
intégrer une vie virtuelle dans le métavers. Cette dernière ne sera pas sans
incidence sur nos vies réelles et la perception que nous avons de nos corps
s’en verra certainement bouleversée. Les marques devront donc réfléchir à leur
approche produit et leur communication, trouver un équilibre entre réel et
virtuel, travailler l’expression de SOI car finalement il y aura plusieurs MOI,
plusieurs beautés et versions du MOI, un MOI au pluriel.
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