Le carnet d'Intima
18 mars 2021
Réalisée en 2020 - et dévoilée en février dernier - par l'IFOP pour le compte de passagedudesir.fr auprès d'un échantillon national représentatif de 2.000 Français, cette enquête met en lumière leur appétence croissante pour les sextoys tout en brisant certaines idées reçues sur des objets de plaisir qui semblent constituer des sujets de moins en moins tabous en couple autant qu'en société.
VERS UNE GÉNÉRALISATION... 2020, UNE ANNÉE HISTORIQUE DANS L'HISTOIRE DES SEXTOYS
En 2020, la proportion de la population française ayant déjà utilisé un sextoy a dépassé pour la première fois le seuil symbolique des 50% : 51% des personnes âgées de 18 à 69 ans déclarent en avoir déjà utilisé dans leur vie, soit un niveau en hausse continue par rapport à ceux mesurés les années précédentes : 48% en 2017, 37% en 2012, 9% en 2007 et à peine 7% en 1992 (ACSF).
Alors qu'elle constituait encore une pratique assez marginale jusqu'au milieu des années 2000, l'intégration des sextoys dans le répertoire sexuel des Français(es) s'est donc banalisé de manière spectaculaire ces dix dernières années aussi bien dans la gent féminine (52% en 2020, contre 14% en 2009) que masculine (50% en 2020, contre 18% en 2009).
Et pour nombre de Français(es), cet usage est loin d'être une expérience lointaine ou un souvenir de jeunesse. Au contraire, trois Français sur dix (30%) admettent en avoir utilisé au moins un au cours de l'année 2020, soit un niveau de « consommation annuelle » nettement supérieur à celui mesuré les années précédentes (ex : 25% en 2017).
EN SOLO OU EN DUO ? UNE BANALISATION QUI REMET EN CAUSE LES CLICHÉS SUR LES AMATEURS DE SEXTOYS
L'analyse détaillée des résultats amène à battre en brèche les clichés tendant à réduire les amateurs de sextoys à un archétype de « célibataires trentenaires urbain(e)s et CSP+ » tel qu'il a pu être véhiculé dans des séries qui contribuèrent, comme Sex and the City, à populariser leur usage dans le monde entier.
FAUX - « Le sextoy, c'est surtout pour les célibataires »
Contrairement à certains clichés tendant à en faire l'apanage des « exclus » de la sexualité de couple, l'usage des sextoys s'inscrit plus dans un cadre conjugal que solitaire... La part de la population en ayant déjà utilisé à deux (46%) s'avère ainsi nettement plus forte que celle en ayant utilisé seule (34%) et le taux d'usage actuel des sextoys est, lui, aussi important chez les personnes en couple (31%) que chez les célibataires (28%), signe qu'il peut prendre sens dans le cadre d'une relation conjugale où ils permettre d'agrémenter ou de relancer la libido du couple.
FAUX -« Le sextoy, c'est l'apanage de personnes insatisfaites sexuellement »
L'étude brise les clichés tendant à en faire le symbole d'une sexualité défaillante en montrant une corrélation entre leur taux d'utilisation actuelle et les degrés de satisfaction et d'activité sexuelle. La proportion d'utilisateurs actuels – c'est-à-dire qui en ont utilisé ces douze derniers mois – est ainsi nettement plus élevée chez les personnes très épanouies sexuellement (35%) que chez celles se disant mécontent(es) sur ce plan (26%), tout comme elle s'avère plus importante chez les femmes ayant une vie sexuelle intense (43% chez les femmes ayant plus de 3 rapports par semaine) que chez les femmes sexuellement inactives (14%).
VRAI - « Le sextoy, c'est surtout pour les femmes ! »
Contrairement à certaines idées reçues, l'expérience de sextoys au cours de sa vie est un comportement assez peu genré (50% chez les hommes versus 52% chez les femmes), y compris en ce qui concerne leur usage en solo alors même que ce dernier peu ts'avérer un sujet plus tabou. En effet, il est intéressant de relever que près d'un homme sur trois (31%) admet en avoir déjà utilisé seul, soit une proportion finalement assez similaire à ce que l'on observe chez les femmes (36%).
FAUX - « Les sextoys, c'est plutôt pour des citadins assez aisés »
Les résultats montrent aussi que les sextoys ne sont pas l'apanage de « CSP+ » vivant dans les grandes métropoles mais une expérience aujourd'hui plus répandue dans les campagnes (36%) que dans de grandes villes comme l'agglomération parisienne (27%) : l'écart ville/campagne étant encore plus significatif chez les femmes pour ce qui est de leur usage en duo (à 32% chez les rurales, contre seulement 20% à Paris et son agglomération).
FAUX - « Le sextoy, c'est un truc de jeunes ! »
Au regard de ces données, force est de constater que l'intégration de ces objets dans le répertoire sexuel des Français(es) est plus conséquente chez les jeunes que chez leurs ainés : 30% des moins de 25 ans déclarent en avoir déjà utilisé, contre 16% chez les personnes âgées de 65 ans et plus. La proportion de sexagénaires en utilisant actuellement n'en reste pas moins non négligeable, que ce soit pour un usage en solo ou en duo.
Et l'enquête met aussi en exergue la disposition de la population à utiliser un sextoy dans un cadre conjugal. Ainsi, près des deux tiers des Français(es) déclarent avoir déjà utilisé un sextoy à deux ou être disposé(e)s : 64% dont 46% qui l'ont déjà fait en couple. Et chez les personnes n'en ayant jamais utilisé en couple, cette disposition – en moyenne à 34% – est même majoritaire chez les femmes de moins de 25 ans (55%), signe d'un rapport très décomplexé de la jeunesse à l'égard de ce type d'accessoires.
Un des moteurs de cette banalisation de l'usage des sextoys tient au fait que ces jouets érotiques s'imposent de plus en plus comme des accélérateurs de plaisir, objets d'entrainement ou d'amélioration d'un plaisir sexuel pratiqué en solo ou en duo. Pour plus des deux tiers des Français (69%) en ayant déjà utilisé avec quelqu'un, ils accroissent leur plaisir sexuel, sachant leurs bienfaits sont plus salués autant par les femmes que par les hommes.
LA DÉ-TABOUISATION DU SEXTOY : VERS UN RAPPORT DECOMPLEXÉ EN COUPLE ET EN SOCIÉTÉ
Dans l'intimité conjugale, la parole sur le sujet apparaît plutôt libérée si l'on en juge par la (faible) proportion d'utilisateurs en solo n'ayant jamais osé parlé de cet usage solitaire à leur conjoint : 19%, alors qu'ils sont une majorité (52%) à l'avoir déjà fait et 29% à dire de ne pas en avoir eu l'occasion, sous-entendant que l'évocation de ce sujet avec un partenaire ne les dérangerait pas. Dans tous les cas, le fait que la pudeur n'entre en compte que dans une minorité de cas tend à attester une forme de banalisation d'un usage solitaire du sextoy.
Cette forme d'acceptation de la pratique dans la sphère intime est toutefois loin d'être homogène... Dans le détail, les femmes semblent avoir une parole plus libérée puisqu'elles sont 58% à en parler contre 46% chez les hommes. Parmi elles, les plus jeunes en parlent davantage (69% des 25-34 ans contre 50% des 35-49 ans), ainsi que celles vivant avec leur conjoint (60%), et celles se disputant « parfois » ou « jamais » avec leur partenaire.
Cette dé-tabouisation du sextoy dans les couples se retrouve dans le peu nombre de femmes qui pensent, aujourd'hui, que son usage solitaire pourrait poser problème à leur partenaire : 8%, contre 63% qui estiment que celà ne lui poserait aucun problème et 18% qui supposent que cela poserait lui problème au point qu'il/elle lui demande d'arrêter. Ces résultats tendent à montrer que non seulement les couples échangent autour des pratiques masturbatoires, mais surtout que ce n'est pas problématique dans la majorité des cas.
Cette levée de tabou semble dépasser la sphère intime même si cela s'opère dans une moindre mesure. En effet, 42% des personnes ayant déjà utilisé un sextoy seules en ont parlé à un de leur très bon(nes) ami(e)s, 29% à une connaissance et 14% à un membre de sa famille de la même génération.
Les femmes sont plus libérées avec leur entourage proche alors que les hommes le sont davantage avec leur entourage plus éloigné. Si les hommes étaient moins nombreux que les femmes à évoquer le sujet avec leur partenaire, ils sont ici légèrement plus enclins à la discussion sur leur utilisation d'un sextoy en solo (50% contre 48% des femmes qui en ont parlé à un proche). A noter que les hommes ont davantage tendance à libérer leur parole quand ils s'éloignent de leur cercle proche d'intimité. Si les femmes ont plus de facilité à discuter avec leurs ami(e)s proches (44% contre 40% des hommes), la balance s'inverse quand il s'agit d'en parler avec une connaissance (33% chez les hommes contre 25 chez les femmes) ou un membre du corps médical (12% contre 9%).
Symptomatique d'une libération de la parole des Français sur la sexualité au sein des cercles conjugal et amical, cette faiblesse du tabou tient sans doute à une évolution notable des représentations culturelles associées à la masturbation et aux sextoyq. Certaines productions culturelles comme Sex Education (2019) ou Grace et Frankie (2015) qui les mettent en scène de manière décomplexée participent sans doute à cette normalisation : l'image du sextoy, modernisée et « dé diabolisée », ne pouvant que favoriser que leur plus grande acceptation sociale.
Le point de vue sur l'étude de François Kraus de l'Ifop
Si les huis clos imposés aux Français en ont sans doute poussés certains à l'acte d'achat, cette hausse de l'usage des sextoys s'inscrit en réalité dans un mouvement plus ancien lié à la fois à une offre de produits de plus en plus performants et un changement des circuits de distribution caractérisé par l'essor des ventes en ligne et leur accès en grande surface ou dans des magasins spécialisés - de type lovestore – beaucoup plus engageants que les sex-shops traditionnels... Plus qu'un « boom » lié au Covid-19, cette enquête donne plutôt l'impression que la crise sanitaire a accéléré un processus de banalisation déjà en cours pour l'ensemble des objets de stimulation physique (ex : vibromasseurs, lubrifiants, huile de massage...) susceptibles d'agrémenter la libido du couple. Car si l'utilisation des sextoys reste encore associée par beaucoup à la masturbation, cette étude montre bien qu'elle prend majoritairement sens dans un cadre conjugal où ils permettent de valoriser des pratiques récréatives tout en respectant plus aisément la norme de l'orgasme partagé.
« Étude Ifop pour Le Passage du Désir.fr réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 27 au 30 novembre 2020 auprès d'un échantillon de 2 012 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine. »
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